Page:Platon - Théétète. Parménide, trad. Chambry.djvu/67

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THÉÉTÈTE

C’est juste.

SOCRATE

C’est donc faire une réponse ridicule, quand on demande ce qu’est la science, que de répondre par le nom d’un art, puisque c’est dire quel est l’objet de la science et que ce n’était pas sur cela que portait la question.

THÉÉTÈTE

Il semble bien.

SOCRATE

C’est ensuite, quand on peut donner une réponse banale et brève, faire un détour par une route interminable. Par exemple, à la question sur la boue il était aisé et simple de répondre que la boue est de la terre délayée avec de l’eau, sans se mettre en peine de dire qui l’emploie.

THÉÉTÈTE

V. — Exposée comme tu viens de le faire, Socrate, la question me paraît facile. Il me semble qu’elle est du même genre que celle qui s’est présentée à nous l’autre jour, comme nous causions, ton homonyme Socrate[1], que voici, et moi.

SOCRATE

Quelle est donc cette question, Théétète ?

THÉÉTÈTE

Théodore que voici nous avait tracé quelques figures à propos de racines[2] et nous avait montré que celles de trois pieds et de cinq pieds ne sont point pour la longueur commensurables avec celle d’un pied, et, les prenant ainsi, l’une après l’autre, il était allé jusqu’à celle de dix-sept pieds et il s’était, je ne sais pourquoi, arrêté là. Il nous vint alors à l’esprit, en considérant que les racines sont en nombre infini, d’essayer de les rassembler sous un terme unique, qui nous servirait à nommer toutes ces racines.

SOCRATE

Et ce terme, l’avez-vous trouvé ?

THÉÉTÈTE

Je le crois : juges-en toi-même.

SOCRATE

Voyons.

THÉÉTÈTE

Nous avons divisé tous les nombres en deux c

  1. Le jeune Socrate nommé ici devient dans le Politique l’interlocuteur de l’étranger éléate.
  2. « En lisant ce qui suit, il faut se mettre dans l’esprit que, chez les anciens, on se servait de la géométrie pour étudier l’arithmétique. Si un nombre était regardé comme simple, c’était une ligne ; comme composé, c’était une figure rectangulaire plane ou solide. Multiplier, c’était construire un rectangle ; diviser, c’était trouver un de ses côtés. Des traces de cet usage restent encore dans des termes tels que carré, cube, commune mesure ; mais la méthode elle-même a vieilli. Voilà pourquoi il faut un effort pour concevoir la racine carrée, non comme ce qui, multiplié par lui-même, produit un nombre donné, mais comme le côté d’un carré qui est, soit le nombre, soit égal au rectangle qui est le nombre. L’usage de la notation arabe et de l’algèbre a beaucoup aidé à exprimer et à concevoir les propriétés des nombres, sans référence à la forme. » (Note de Campbell, édit. du Théétète, p. 20.) On trouvera une discussion de ce passage dans l’ouvrage de Sir Thomas Heath, Greek Mathematics, I, 155.