Page:Platon - Théétète. Parménide, trad. Chambry.djvu/97

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C’est indéniable.

SOCRATE

J’imagine, ami, qu’il n’en serait pas ainsi, si le père du premier mythe vivait encore, car il trouverait beaucoup d’arguments pour le défendre ; mais à présent qu’il est orphelin, nous le honnissons. Les tuteurs mêmes que Protagoras lui a laissés, au nombre desquels est Théodore ici présent, refusent de prendre sa défense. Eh bien, c’est moi qui, par scrupule de justice, vais me risquer à lui porter secours.

THÉODORE

Ce n’est pas moi, Socrate, c’est plutôt Callias[1], fils d’Hipponicos, qui est le tuteur de ses enfants. Pour moi, j’ai passé trop vite des discours abstraits à la géométrie. Je te saurai gré pourtant si tu lui portes secours.

SOCRATE

Bien parlé, Théodore. Considère donc de quelle manière je vais le défendre ; car, faute de prêter attention aux termes généralement employés pour affirmer ou nier, on s’expose à admettre des absurdités plus graves encore que celles que nous avons admises. Est-ce à toi que je dois m’adresser, ou à Théétète ?

THÉODORE

À tous les deux, je te prie. Mais que le plus jeune réponde : il aura moins de honte à se tromper.

SOCRATE

XIX. — Je vais donc poser la question la plus redoutable. On peut, je crois, la formuler ainsi : Est-il possible que le même homme, sachant une chose, ne sache pas cette chose qu’il sait ?

THÉODORE

Qu’allons-nous donc répondre, Théétète ?

THÉÉTÈTE

Pour ma part, que c’est, je crois, impossible.

SOCRATE

Non pas, si tu poses que voir, c’est savoir. Comment en effet te tireras-tu de cette question inextricable, où tu seras, comme on dit, pris dans le puits, lorsqu’un adversaire intrépide, te mettant la main sur un de tes deux yeux, te demandera si tu vois son habit de cet oeil fermé ?

THÉÉTÈTE
  1. C’est chez Callias que descendait Protagoras quand il venait à Athènes. Voyez le début du Protagoras.