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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/46

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PLAUTE.

Merc. Grenier à coups de bâton[1]

Sos. Tu mens quant à présent.

Merc. Tu vas voir que je dis la vérité.

Sos. Cela n’est pas nécessaire.

Merc. Puis-je savoir où tu vas, à qui tu appartiens, et pourquoi tu es venu ?

Sos. Je vais là ; j’appartiens à mon maître : en es-tu plus savant ?

Merc. Oh ! je viendrai à bout de ta méchante langue.

Sos. Je t’en défie ; elle est toujours discrète et sage.

Merc. As-tu fini tes quolibets ? Qu’as-tu affaire dans cette maison ?

Sos. Et toi-même qu’y viens-tu faire ?

Merc. Le roi Créon y place chaque nuit des sentinelles pour la garder.

Sos. Il a bien fait de garder la maison pendant notre absence. Mais à présent, va-t’en ; dis-lui que les gens d’Amphitryon sont arrivés.

Merc. Je ne sais si tu es de la maison ; mais si tu ne décampes à l’instant, je te ferai une réception qui te prouvera que tu y es étranger.

Sos. Je te dis que c’est là ma demeure, et que j’appartiens au maître du logis.

Merc. Or çà, sais-tu que je te procurerai un grand honneur, si tu ne t’en vas ?

Sos. Comment cela ?

Merc. C’est que tu ne t’en iras pas à pied, et que tu auras l’honneur d’être porté, si tu me fais une fois prendre un bâton.

Sus. Enfin, je te réponds que je suis de cette maison.

Merc. Prends bien garde à toi, et dépêche-toi de t’en aller, si tu n’as envie d’être battu.

Sos. Comment ! lorsque j’arrive de si loin, tu veux m’empêcher de rentrer au logis ?

Merc. Est-ce que c’est là ta maison ?

Sos. Oui, te dis-je.

Merc. Qui est donc ton maître ?

Sos. Amphitryon, qui commande à présent les légions thébaines, qui est le mari d’Alcmène.

Merc. Que dis-tu ? Et quel est ton nom, à toi ?

Sos. Tous les Thébains m’appellent Sosie, fils de Dave.

Merc. Tu viens ici chercher malheur, effronte coquin, avec tes mensonges préparés, et tes fourberies mal cousues.

Sos. Je ne viens pas avec des fourberies cousues, mais avec des habits cousus.

Merc. Tu vois bien que tu mens ; car ce n’est pas avec des habits que tu viens, c’est avec tes pieds.

Sos. Assurément.

Merc. Assurément tu vas être battu pour ton mensonge.

Sos. Par Pollux !…

Merc. Par Pollux ; c’est ce qui t’arrivera, que tu le veuilles ou non ; c’est une chose arrêtée.

Sos. Je t’en conjure….

Merc. Pourquoi oses-tu te dire Sosie, quand c’est moi qui le suis ?

Sos. Aïe ! aïe ! je suis mort.

Merc. Bon ! Ce n’est encore rien, auprès de ce qui va suivre. À qui appartiens-tu à présent ?

Sos. À toi. Car tu es mon maître, grâce à tes poings. À moi ! Thébains ! à moi, braves citoyens !

Merc. Tu oses encore crier, bourreau ? Réponds. Pourquoi es-tu venu ?

Sos. Pour que tu eusses quelqu’un à battre.

Merc. À qui appartiens-tu ?

Sos. Jeté dis que je suis Sosie, esclave d’Amphitryon.

Merc. Tu vas être rossé de plus belle, pour tes sots propos ; c’est moi qui suis Sosie, et non pas toi.

Sos. Plût aux dieux que tu fusses à ma place, et moi à la tienne ! ce serait moi qui te battrais.

  1. Il y a ici un jeu de mots, sur l’expression verbero qui, prise substantivement, veut dire, homme sujet à être battu, mais qui est aussi un verbe, et signifie, je bats. Mercure le dit dans le premier sens, et Sosie feint de l’entendre dans le second ; et il répond : tu mens quant à présent ; car tu ne bats pas.