Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/126

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connais, je vous demande votre fille en mariage, et j’espère que ce sera pour notre bien à tous deux et pour le sien. Donnez-moi votre parole.

EUCLION. Ah ! Mégadore, il ne sied guère à un homme comme vous de railler un pauvre hère qui ne vous a fait aucun mal, à vous ni aux vôtres. Ni mes actions ni mes paroles n’ont mérité cela de vous.

MÉGADORE. Sur mon honneur, je ne suis pas venu pour me moquer ; je ne plaisante nullement, ce serait en user mal avec vous.

EUCLION. Alors pourquoi me demander la main de ma fille ?

MÉGADORE. Pour assurer votre bonheur, tandis que vous et les vôtres assurerez le mien.

EUCLION. Je songe, Mégadore, que vous êtes riche et puissant ; moi je suis pauvre, et plus que pauvre. Si je vous donne ma fille, j’imagine que vous serez le bœuf et moi l’âne. Une fois attelé avec vous, s’il ne peut porter la même charge, maître baudet tombera bel et bien dans la boue, et notre seigneur le bœuf ne le regardera pas plus que s’il n’existait pas. Vous me rudoierez, et ceux de ma classe se riront de moi. Plus d’étable où me réfugier si nous venons à divorcer ensemble. Les ânes me déchireront à belles dents. Voilà ce que je risque, si je quitte les baudets pour m’allier aux bœufs.

MÉGADORE. Plus on s’allie de près avec d’honnêtes gens, et mieux on s’en trouve. Agréez mon offre, ne faites pas sourde oreille, et accordez-moi votre fille.

EUCLION. Mais je n’ai pas de dot à lui donner.

MÉGADORE. Vous n’en donnerez pas. Qu’elle soit sage, c’est une dot assez belle.

EUCLION. Je vous le dis pour que vous n’alliez pas vous figurer que j’ai trouvé des trésors.

MÉGADORE. Je sais cela, inutile de me le dire. Allons, dites, oui.

EUCLION. Soit. (Il entend des coups de pioche.) Ciel ! serais-ce perdu ?

MÉGADORE. Qu’est-ce ?

EUCLION. Que signifie ce bruit de ferraille que je viens d’entendre ? (Il sort.)

MÉGADORE. C’est mon jardin que je fais bêcher… Eh ! par où a-t-il passé ? Le voilà parti sans m’avoir donné une réponse positive. Il me dédaigne parce qu’il voit que je recherche son amitié : les hommes sont faits ainsi. Qu’un riche aille au-devant