Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/129

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CONGRION. En vérité ?

STROBILE. Tu vas en juger, il appelle à son aide les dieux et les hommes, il jure qu’il est ruiné, et ruiné de fond en comble, s’il voit de la fumée sortir de son toit. Quand il va se coucher, il s’attache une poche devant la bouche.

CONGRION. Pourquoi ?

STROBILE. Pour ne pas perdre de son souffle en dormant.

CONGRION. Et se bouche-t-il aussi l’autre ouverture, pour ne rien perdre en dormant ?

STROBILE. Tu peux m’en croire comme je te crois moi-même.

CONGRION. Aussi je te crois à merveille.

STROBILE. Veux-tu que je te dise encore ? Quand il se lave, il pleure l’eau qu’il lui faut répandre.

CONGRION. Ne penses-tu pas que nous pourrions obtenir de ce vieux fesse-matthieu un bon talent pour acheter notre liberté ?

STROBILE. Lui ! tu lui demanderais la famine, il ne te la prêterait pas. Un de ces jours, le barbier lui avait coupé les ongles ; il a ramassé et emporté toutes les rognures.

CONGRION. Tu nous parles là de l’avarice en personne. Est-il vraiment si ladre, si ennemi de lui-même ?

STROBILE. Un jour, un milan lui enlève son potage. Il accourt tout gémissant auprès du préteur ; et là, pleurant, jetant les hauts cris, il demande que son milan soit assigné. Si j’en avais le temps, je pourrais citer mille traits du même genre. Mais voyons, dis-moi, lequel de vous deux est le plus leste ?

CONGRION. Moi, je vais bien plus vite en besogne.

STROBILE. C’est d’un cuisinier que je parle et non d’un voleur.

CONGRION. C’est aussi comme cuisinier que je réponds.

STROBILE, à Anthrax. Et toi, que dis-tu ?

ANTHRAX. Moi, je suis tel que tu me vois.

CONGRION. C’est un vrai marmiton de foire ; il travaille tous les neuf jours[1].

ANTHRAX. Comment, tu oses me déprécier, toi ? Il n’y a pourtant que six lettres à ton nom, voleur, triple pendard !

STROBILE. Çà, qu’on se taise. Le plus gros des deux agneaux…

CONGRION. Bon !

STROBILE.Tu vas le prendre, Congrion, et entrer là dedans. Vous, suivez-le, et vous autres, là-bas venez avec nous.

  1. Allusion aux marchés ou foires appelées nundinæ, qui se tenaient à Rome tous les neuf jours.