NICOBULE. Obéis ; je veux que tu saches ce qu’il y a d’écrit ici.
CHRYSALE. Je ne m’en soucie guère, et ne tiens pas à le savoir.
NICOBULE. Avance toujours.
CHRYSALE. À quoi bon ?
NICOBULE. Tais-toi, et fais ce que j’ordonne.
CHRYSALE. Me voici.
NICOBULE. Hum ! de vraies pattes de mouche !
CHRYSALE. Oui, pour qui a la vue trouble ; mais quand on y voit, les caractères sont d’assez belle taille.
NICOBULE. Écoute bien.
CHRYSALE. Non, vous dis-je.
NICOBULE. Si, te dis-je, je le veux.
CHRYSALE. À quoi cela sert-il ?
NICOBULE. Fais ce que je te commande.
CHRYSALE. C’est juste ; votre esclave doit vous servir à votre fantaisie.
NICOBULE. Eh bien donc, attention !
CHRYSALE. Vous pouvez lire ; je suis tout oreilles.
NICOBULE. Il n’a ménagé ni la cire, ni le poinçon ; mais je veux lire d’un bout à l’autre. « Mon père, remettez, je vous prie, deux cents philippes à Chrysale, si vous voulez que votre fils vive et vous soit conservé. »
CHRYSALE. Mauvaise affaire… pour vous.
NICOBULE. Pourquoi donc ?
CHRYSALE. Il ne commence pas par vous saluer ?
NICOBULE. Non, je ne vois rien.
CHRYSALE. Si vous êtes sage, vous ne donnerez rien : et si vous donnez, qu’il cherche s’il veut un autre messager : je ne porterai pas cet argent, quand vous me le commanderiez. On me soupçonne bien assez déjà, quoique je n’aie rien à me reprocher.
NICOBULE. Écoute la suite.
CHRYSALE. Voilà, dès le début, une lettre bien impertinente.
NICOBULE. « Je n’ose paraître en votre présence, mon père. Vous avez appris, je le sais, combien je suis coupable, d’avoir un commerce avec la femme d’un militaire étranger. » Certes, tu as raison, il n’y a pas de quoi rire, il m’en coûte bel et bien deux cents philippes d’or, pour te racheter des suites de ta mauvaise conduite.