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SCÈNE II. — HÉGION, LE CORRECTEUR, ERGASILE.


HÉGION, au correcteur. Attention, toi ! Ces deux captifs que j’ai achetés hier aux questeurs, mets-leur des chaînes simples ; ôte-leur ces entraves trop pesantes dont ils sont chargés. Tu les laisseras aller et venir, dehors, dans la maison, à leur fantaisie, sans cesser de les surveiller de près. L’homme libre captif est un oiseau sauvage : qu’il trouve une fois l’occasion de s’envoler, serviteur ! on ne le reprend plus.

LE CORRECTEUR. Eh ! qui de nous tous ne préfère la liberté à l’esclavage ?

HÉGION. On dirait pourtant que ce n’est pas là ta manière de voir, à toi.

LE CORRECTEUR. Puisque je n’ai pas de quoi payer, voulez-vous que je vous paye avec mes jambes ?

HÉGION. Essaye, je saurai te récompenser.

LE CORRECTEUR. Je me changerai, comme vous dites, en oiseau sauvage.

HÉGION. A merveille, et moi je te mettrai en cage. Mais assez de bavardage. Fais ce que je t’ai dit, et va t’en.

ERGASILE, à part. Ah ! puissent ses vœux se réaliser ! car s’il ne retrouve son fils,-je ne sais plus à quelle porte frapper. Rien à attendre de nos jeunes gens : ce sont de francs égoïstes. Celui-là du moins était de la vieille roche ; je ne l’ai jamais fait rire sans qu’il m’en revint quelque chose. Et le caractère du père vaut celui du fils.

HÉGION. Je vais chez mon frère, voir mes autres captifs et m’assurer qu’ils n’ont fait cette nuit aucun désordre. De là, je reviens tout droit à la maison.

ERGASILE. Cela me fend le cœur de lui voir faire le métier de geôlier à cause du malheur de son enfant. Pauvre vieillard ! Mais pourvu que le jeune homme nous soit rendu, il peut, si cela lui plaît, faire le métier de bourreau.

HÉGION. Qui parle là ?

ERGASILE. Moi, que vos chagrins font sécher, pâlir, languir, dépérir misérablement. Il ne me reste que la peau et les os, tant je suis étique. J’ai beau manger chez moi, rien ne me profite ; si peu que je prenne dehors, me voilà refait.

HÉGION. Salut, Ergasile.

ERGASILE. Les dieux vous protégent, Hégion !

HÉGION. Ne pleurez pas.