Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à ma rencontre et me félicitent. On m’arrête, on me retient à chaque pas ; en vérité je n’en puis plus. J’ai eu assez de peine à me dérober à leurs compliments. Enfin j’arrive chez le préteur, et là j’ai un moment de repos ; je demande le billet, on me le donne, je le remets à Tyndare, il part. L’affaire faite, je m’en reviens chez moi, et je passe chez mon frère, où sont mes autres prisonniers. Je demande si quelqu’un d’eux connaît Philocrate d’Élide ; celui-ci (montrant Aristophonte) s’écrie qu’il est son ami. Je lui dis que ce Philocrate est chez moi. Aussitôt il me prie, il me conjure de lui permettre de le voir, et je le fais délier. (A Aristophonte.) Suis-moi donc, je vais contenter ton envie et te mettre en présence de ton homme. (Ils sortent.)


SCÈNE III. — TYNDARE.


Pour le moment, j’aimerais mieux être mort qu’en vie. Espoir, ressource, secours, tout me fuit et m’abandonne. En ce jour, pour moi plus de salut à attendre : je ne saurais échapper à ma perte ; nulle espérance pour calmer ma crainte. Pas de manteau qui puisse cacher mes mensonges, mes ruses, mes fourberies ; point de pardon pour mes impostures, point de fuite pour mes méfaits. Point d’abri pour mon audace, point de refuge pour mes stratagèmes. Le secret est dévoilé, l’artifice est découvert ; toute l’aventure est au grand jour ; rien ne peut m’empêcher de périr misérablement et de payer pour mon maître et pour moi. Il m’a perdu, cet Aristophonte qui vient d’entrer ici. Il me connaît, il est parent et ami de Philocrate. La déesse Salus elle-même, quand elle le voudrait, serait impuissante à me sauver, à moins que je ne fasse sortir de mon cerveau quelque ruse nouvelle. Mais, hélas ! quelle finesse imaginer ? quel stratagème inventer ? Il ne me vient qu’idées sottes et misérables : me voilà pris.


SCÈNE III. — HÉGION, TYNDARE, ARISTOPHONTE.


HÉGION. Il n’est plus au logis ; où est-il allé ?

TYNDARE, à part. C’est fait de moi ; voici l’ennemi, Tyndare. Que dire ? que raconter ? que nier ? qu’avouer ? de tous côtés je ne vois qu’embarras et incertitude. La peste aurait bien dû t’étouffer avant que tu perdisses ta patrie, Aristophonte, toi qui viens déranger un plan si bien concerté. Tout est renversé, si je ne trouve quelque expédient effronté.