Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/302

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LA COURTISANE. Quelle folie ! Mais as-tu accordé à quelqu’un tes faveurs ?

SILÉNIE. À personne, si ce n’est à Alcésimarque ; nul autre que lui ne m’a fait oublier ma sagesse.

LA COURTISANE. Et comment le galant s’est-il introduit chez toi ?

SILÉNIE. Aux Dionysiaques, ma mère me mena voir la procession ; quand je revins chez nous, il me suivit discrètement, et sans me perdre de vue, jusqu’à notre porte. Ensuite, il s’insinua dans l’amitié de ma mère et en même temps dans la mienne, par ses bonnes paroles, ses présents, ses cadeaux.

GYMNASIE. Qu’on me le donne, à moi ; comme je vous le retournerais !

SILÉNIE. Enfin, l’habitude de nous voir nous inspira une tendresse mutuelle.

LA COURTISANE. Ah ! ma chère Silénie !

SILÉNIE. Qu’est-ce donc ?

LA COURTISANE. Il faut seulement faire semblant d’aimer ; car, dès que tu es amoureuse, tu penses bien plus à ton amant qu’à ton intérêt.

SILÉNIE. Il avait juré solennellement à ma mère qu’il m’épouserait ; et maintenant il lui faut prendre une autre femme, une parente de Lemnos, qui demeure ici près. Son père le contraint à cette union, et ma mère m’en veut de n’être pas revenue chez elle, dès que j’ai appris qu’il allait se marier.

LA COURTISANE. En amour, on ne regarde pas à un parjure.

SILÉNIE. Eh bien, faites-moi un plaisir ; permettez à Gymnasie de rester chez moi trois jours seulement, pour garder la maison, puisque ma mère me rappelle.

LA COURTISANE. Ces trois jours me contrarient, c’est de l’argent que tu me fais perdre, mais j’y consens.

SILÉNIE. Vous êtes bien aimable et bien bonne. Toi, ma chère Gymnasie, si Alcésimarque venait en mon absence, ne lui fais pas de reproches violents : malgré ses torts, je l’aime toujours. Parle-lui avec douceur, je t’en prie ; pas un mot qui puisse lui faire de la peine. Tiens, voici mes clefs ; si tu as besoin de quoi que ce soit, ne te gêne pas. Pour moi, je vais partir.

GYMNASIE. Que de larmes tu me fais verser !

SILÉNIE. Porte-toi bien, chère Gymnasie.

GYMNASIE. Mais soigne-toi un peu. Tu ne t’en iras pas si mal arrangée, n’est-ce pas ?

SILÉNIE. La négligence sied au malheur.