Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


AMPHITRYON. Ah ! malheureux !

MERCURE, à part. Il se plaint, quand il a tout bénéfice ; vous prêtez votre femme, n’est-ce pas comme si vous trouviez à faire défricher un mauvais terrain ?

AMPHITRYON. Sosie !

MERCURE. Le ciel te confonde ! Eh bien, Sosie ?

AMPHITRYON. Ne me reconnais-tu pas, bourreau ?

MERCURE. Si fait, je te reconnais pour un fâcheux personnage ; mais cesse de chercher querelle.

AMPHITRYON. Encore un coup, ne suis-je pas Amphitryon, ton maître ?

MERCURE. Tu es Bacchus, et non Amphitryon. Combien de fois faut-il te le dire ? Veux-tu l’entendre encore ? Mon Amphitryon est couché avec Alcmène, qu’il tient dans ses bras. Si tu continues, je vais le faire venir, et tu t’en repentiras.

AMPHITRYON. Appelle-le, c’est ce que je souhaite. (À part.) Ah ! fassent les dieux que pour prix de mes services je ne perde pas aujourd’hui, tout à la fois patrie, maison, femme, esclaves, tout, jusqu’à ma figure même !

MERCURE. Je vais donc le chercher ; mais en attendant laisse la porte en repos. Si tu nous importunes encore, rien ne te soustraira au régal que je t’apprête. (Il rentre.)


SCÈNE III. — AMPHITRYON, BLÉPHARON, SOSIE.

AMPHITRYON, sans voir Blépharon et Sosie. Dieux puissants ! quel vertige s’est emparé de toute ma maison ! Que de prodiges depuis mon retour ! Ah ! c’est bien vrai ce que l'on raconte de ces Athéniens métamorphosés en Arcadie, qui gardèrent les traits de bêtes féroces, et jamais ne furent reconnus de leurs parents.

BLÉPHARON, sans voir Amphitryon, Que me disais-tu là, Sosie ? Voilà d’étranges merveilles. Ainsi tu as trouvé à la maison un autre Sosie qui te ressemble ?

SOSIE. Rien n’est plus vrai. Mais qui sait ? puisqu’il est sorti de moi un autre Sosie, et de mon maître un second Amphitryon, peut-être bien aurez-vous engendré aussi un Blépharon. Plût aux dieux que, pour vous en convaincre, vous eussiez comme moi le corps roué de coups, les dents cassées et le ventre creux ! Car ce moi qui est là-bas, cet autre Sosie, m’a rossé de main de maître.