JUPITER. Tu dis que j’en ai menti ?
AMPHITRYON. Oui, tu en as menti, infâme, qui viens bouleverser ma maison.
JUPITER. Je te tordrai le cou pour cette insolence. (Il le bat.)
AMPHITRYON. Ah ! aïe !
JUPITER. Il ne fallait pas, t’y exposer.
AMPHITRYON. Au secours, Blépharon !
BLÉPHARON. Ils se ressemblent tellement que je ne sais au-quel venir en aide ; faisons pourtant de notre mieux pour les séparer. Amphitryon, ne tuez pas Amphitryon ; lâchez-lui le cou, je vous en prie.
JUPITER. Tu l’appelles Amphitryon ?
BLÉPHARON. Pourquoi pas ? Il n’y en avait qu’un, qui est doublé maintenant. Vous prétendez l’être, mais il n’en a pas moins gardé les traits. En attendant, lâchez-lui le cou, je vous en prie.
JUPITER. C’est fait ; mais dites-moi, vous semble-t-il que ce soit là Amphitryon ?
BLÉPHARON. Autant l’un que l’autre.
AMPHITRYON. Ô souverain Jupiter ! comment m’avez-vous pris aujourd’hui ma figure ? Mais questionnons encore. Tu es Amphitryon ?
JUPITER. Le nies-tu donc ?
AMPHITRYON. Oui, je le nie ; il n’y a pas dans Thèbes un autre Amphitryon que moi.
JUPITER. C’est-à-dire qu’il n’y en a pas d’autre que moi-même. Soyez-en juge, Blépharon.
BLÉPHARON. Je veux bien tâcher de tirer la chose au clair (À Amphitryon.) Vous, répondez d’abord.
AMPHITRYON. Volontiers.
BLÉPHARON. Avant de livrer bataille aux Taphiens, que m’avez-vous recommandé ?
AMPHITRYON. De tenir le vaisseau prêt, et de ne pas abandonner un moment le gouvernail.
JUPITER. Afin que, si les nôtres prenaient la fuite, je pusse m’y réfugier en sûreté.
BLÉPHARON. Ensuite ?
AMPHITRYON. Que l’on veillât sur ma bourse, qui était bien garnie.
JUPITER. Combien y avait-il dedans ?
BLÉPHARON. Taisez-vous, s’il vous plaît, c’est à moi d’interroger. Savez-vous la somme ?