Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/67

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Que de prodiges dans notre maison ! Infortunée !… Ah ! je me trouve mal ; de l’eau !… C’est fait de moi, je suis morte. Ma pauvre tête !… je n’entends, je ne vois plus rien. Je suis la plus misérable des femmes, il n’en est pas une plus digne que moi de pitié. Et ma maitresse, quel désarroi ! Dès qu’elle se sent en mal d’enfant, elle implore les dieux. Aussitôt quel bruit ! quel fracas ! quel tintamarre ! quels éclats de tonnerre ! et si soudains, et si redoublés, et d’une telle violence ! Chacun alors tombe la face contre terre, et l’on entend je ne sais quelle voix puissante qui s’écrie : « Alcmène, voici de l’aide, ne crains rien ; c’est un habitant du ciel, un ami de toi et des tiens., Debout, vous tous que la terreur a renversés. » J’étais tombée, je me relève ; j’ai cru que la maison brûlait, tant elle était resplendissante. Alcmène m’appelle, sa voix me donne le frisson. Cependant la crainte de ma maitresse l’emporte ; je cours, pour savoir d’elle ce qu’elle veut, et je vois deux fils jumeaux qu’elle vient de mettre au jour sans que nul de nous s’en soit aperçu ou s’y soit attendu. (Apercevant Amphitryon.) Mais qu’est-ce ? qui est ce vieillard étendu devant notre maison ? Jupiter l’aurait-il frappé ? En vérité, je le crois, car il est immobile comme s’il était mort. Voyons si je le reconnaîtrai. Ah ! c’est Amphitryon mon maître. Amphitryon !

AMPHITRYON. Je suis mort !

BROMIA. Levez-vous.

AMPHITRYON. Je ne vis plus.

BROMIA. Donnez-moi la main.

AMPHITRYON. Qui me touche ?

BROMIA. Bromia, votre servante.

AMPHITRYON. Je suis tout tremblant ; Jupiter a tonné sur moi. Il me semble que je reviens des bords de l’Achéron. Mais pourquoi es-tu sortie ?

BROMIA. Nous avons été saisies de la même épouvante ; j’ai vu dans votre maison des prodiges si étonnants ! Malheur à moi, Amphitryon ! je ne sais encore où j’en suis.

AMPHITRYON. Çà, tire-moi d’affaire. Vois-tu bien que je suis ton maître Amphitryon ?

BBOMIA. Sans doute.

AMPHITRYON. Regarde-moi encore.

BROMIA. Je vous reconnais.

AMPHITRYON. De toute la maison, il n’y a qu’elle qui ait conservé son bon sens.

BROMIA. Nous l’avons conservé tous, assurément.