Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/78

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car tu t’y es pris de telle sorte que je ne vois pas moyen de te rien cacher. Dis donc bien vite ce que tu veux connaître, et tout ce que je sais moi-même, tu le sauras.

LIBAN. Répondez sérieusement, je vous prie ; et pas de menterie !

DÉMÉNÈTE. Eh bien, interroge.

LIBAN. Me conduisez-vous en certain endroit où la pierre frotte la pierre[1] ?

DÉMÉNÈTE. Que veux-tu dire ? où se trouve cet endroit ?

LIBAN. C’est un pays où pleurent les vauriens qui mangent de la farine d’orge.

DÉMÉNÈTE. Je ne sais ce que c’est, ni en quel pays pleurent les vauriens qui mangent de la farine d’orge.

LIBAN. C’est dans les lies de la Bastonnade et de la Ferraille, où les bœufs, après leur mort, tombent sur le dos des hommes vivants[2].

DÉMÉNÈTE. Ah ! ah ! j’y suis ; tu veux parler sans doute de cet endroit où l’on fait la farine d’orge ?

LIBAN. Moi ? je ne dis pas cela, et ne veux pas qu’on le dise. Par Hercule ! crachez-moi sur ce vilain mot.

DÉMÉNÈTE. Soit (Il crache), te voilà content.

LIBAN. Bon, bon, crachez toujours.

DÉMÉNÈTE. Encore ?

LIBAN. Oui, et du fond du gosier.

DÉMÉNÈTE. Encore ?

LIBAN. Courage !

DÉMÉNÈTE. Et jusqu’à quand ?

LIBAN. Jusqu’à la mort.

DÉMÉNÈTE. Prends garde à toi !

LIBAN. C’est la mort de votre femme que je veux dire, et non la vôtre.

DÉMÉNÈTE. Va, pour cette bonne parole, tu n’as rien à craindre.

LIBAN. Que les dieux comblent tous vos souhaits !

DÉMÉNÈTE. Écoute-moi à ton tour. Je ne veux pas te mettre sur la sellette ni te menacer pour ne m’avoir pas averti. Enfin je ne veux pas non plus me fâcher contre mon fils, comme font les autres pères.

  1. Les esclaves faisaient tourner les moulins à force de bras.
  2. Allusion aux lanières de cuir dont on se servait pour fouetter les esclaves.