seront jamais des gens bien rangés, ils aimeront à boire jour et nuit.
LÉONIDAS. Qu’on le laisse faire, il ne la quittera pas plus que son ombre ; il a beau faire le pressé et menacer de s’en aller.
LIBAN. Tais-toi, que j’entende ce qu’il va dire.
ARGYRIPPE. Adieu.
PHILÉNIE. Où cours-tu ?
ARGYRIPPE. Adieu, adieu ; je te reverrai chez Pluton, car j’ai hâte de me débarrasser de cette vie.
PHILÉNIE. Dis-moi, de grâce, pourquoi veux-tu me faire mourir ? L’ai-je mérité ?
ARGYRIPPE. Te faire mourir, moi ! Ah ! que plutôt, si je voyais la vie te manquer, je donnerais pour toi la mienne et ajouterais mes jours aux tiens !
PHILÉNIE. Pourquoi donc menacer de t’arracher l’existence ? Que deviendrais-je, dis-moi, si tu faisais ce que tu dis ? J’y suis bien résolue, je suivrai l’exemple que tu me donneras.
ARGYRIPPE. On ! tu es à mon cœur plus douce que le plus doux miel !
PHILÉNIE. Et toi, n’es-tu pas ma vie ? Embrasse-moi.
ARGYRIPPE. Avec bonheur.
PHILÉNIE. Ah ! si nous pouvions ainsi mourir ensemble !
LÉONIDAS. Ami Liban, qu’un amoureux est à plaindre !
LIBAN. Hé ! un pendu est bien plus à plaindre encore !
LÉONIDAS. Je le sais, j’en ai tâté. Mais approchons, toi de ce côté-là, moi de celui-ci, et parlons-lui.
LIBAN. Salut, maître ! Est-ce que la belle que vous embrassez est une fumée ?
ARGYRIPPE. Comment cela ?
LIBAN. Vous avez les yeux tout larmoyants.
ARGYRIPPE. En moi vous avez perdu un patron[1].
LIBAN. Un patron ! comment l’aurais-je perdu ? je n’en ai jamais eu.
LÉONIDAS. Salut, Philénie !
PHILÉNIE, à Léonidas et à Liban. Que les dieux comblent vos souhaits !
LIBAN. Une nuit avec vous et un baril de vin, voilà ce que je voudrais, si mes souhaits étaient exaucés.
ARGYRIPPE. Veux-tu bien te taire, maraud !
- ↑ Les esclaves avaient un maître, les affranchis un patron.