Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/128

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SCAPHA. Par Pollux, je m’étonne grandement qu’une personne si fine, si instruite, si bien dressée, si peu sotte en un mot, fasse une sottise.

PHILÉMATIE. Eh bien, montre-moi mon tort, si j’en ai.

SCAPHA. Par ma foi, oui, vous avez tort de ne compter que sur lui, de chercher à plaire à lui seul, de dédaigner les autres. C’est bon pour une grande dame, mais non pour une courtisane, de s’assujettir à un seul amant.

PHILOLACHÈS, à part. Grand Jupiter ! quelle peste chez moi ! Que tous les dieux et toutes les déesses m’exterminent misérablement si je ne fais crever cette vieille de soif, de faim et de froid !

PHILÉMATIE. Je ne veux pas, Scapha, que tu me donnes de mauvais conseils.

SCAPHA. Vous êtes bien nigaude de croire que cet amoureux vous restera toujours attaché. Je vous en préviens ; avec le temps, quand il aura assez de vous, il vous plantera là.

PHILÉMATIE. Je ne crains pas cela.

SCAPHA. Ce qu’on ne craint pas arrive plus souvent que ce qu’on espère. Enfin, si je ne peux vous persuader que c’est la vérité, jugez de mes paroles par les faits ; la réalité est là, vous voyez ce que je suis, ce que j’ai été. Je n’ai pas été aimée moins que vous, je n’ai voulu plaire qu’à un seul homme, et ma foi, quand l’âge est venu changer la couleur de mes cheveux, il m’a quittée, abandonnée. Soyez sûre que c’est ce qui vous arrivera.

PHILOLACHÈS, à part. Je ne sais ce qui me tient de sauter aux yeux de l’infâme.

PHILÉMATIE. Je pense que je dois m’attacher à lui seul. Il m’a affranchie pour lui seul, avec son argent.

PHILOLACHÈS, à part. Ô dieux, la séduisante créature ! l’honnête petit cœur ! J’ai bien fait, par Hercule, et je suis content de m’être ruiné pour elle.

SCAPHA. Vous n’êtes, ma foi, guère entendue.

PHILÉMATIE. Comment cela ?

SCAPHA. De vous soucier qu’il vous aime.

PHILÉMATIE. Et pourquoi ne m’en soucierais-je pas ?

SCAPHA. Vous voilà libre à présent. Vous avez ce que vous cherchiez ; s’il n’est pas amoureux de vous, ce qu’il a donné pour vous affranchir est autant de jeté par la fenêtre.

PHILOLACHÈS, à part. Malheur à moi, si je ne la fais périr