Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/470

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Rome, date de L. Mummius, à qui sa victoire valut le surnom d’Achaïque. En effet, pour vendre le butin il fit des lots24, et le roi Attale donna 600,000 sesterces (126,000 fr.) d’un tableau d’Aristide représentant Bacchus ; Mummius, surpris de la grandeur de la somme, et soupçonnant qu’il y avait dans ce tableau quelque vertu qu’il ne connaissait pas, rompit le marché malgré toutes les plaintes d’Attale, et plaça le tableau dans le temple de Cérès : ce fut, je crois, le premier tableau étranger rendu public à Rome. Je trouve qu’ensuite l’usage devint commun 2 d’en exposer dans le Forum ; de là la plaisanterie de l’orateur Crassus. Plaidant sous les Vieilles Boutiques, il interpella un témoin ; le témoin, relevant l’interpellation : Dites donc, Crassus, qui vous pensez que je sois ? Semblable à celui-ci, répondit-il en montrant, dans un tableau, un Gaulois qui tirait très vilainement la langue. Il y avait aussi dans le Forum le tableau de ce vieux berger avec son bâton, au sujet duquel l’envoyé des Teutons, interrogé combien il l’estimait, répondit qu’il ne voudrait pas de l’original vivant, même gratis.

IX

1 Mais celui qui mit principalement en honneur l’exposition publique des tableaux fut le dictateur César, en consacrant Ajax et Médée (VII, 39) au-devant du temple de Vénus Génitrix. Après lui ce fut M. Agrippa, homme cependant plus voisin de la rusticité que des raffinements : du moins on a de lui un discours magnifique et digne du plus grand citoyen, sur l’avantage de rendre publics tous les tableaux et toutes les statues, ce qui aurait mieux valu que de les tenir exilés dans les maisons de campagne. Toutefois cette vertu si rudoyante acheta de la ville de Cyzique, au prix de 3,000 deniers (2,160 fr.)24*, deux tableaux, l’un d’Ajax, l’autre de Vénus. Il avait aussi fait encadrer dans des marbres, à l’endroit le plus chaud de ses thermes, de petits tableaux, qu’on a enlevés depuis peu avant de réparer le bâtiment.

X

1 Le dieu Auguste a fait plus que personne : dans le forum de son nom, à l’endroit le plus apparent, il a exposé des tableaux représentant : l’un la guerre, l’autre un triomphe. Dans le temple de son père César, il a placé les Dioscures, la Victoire, et d’autres tableaux que nous citerons dans l’énumération des artistes. En la curie qu’il a consacrée dans les comices, il a fait encadrer dans les murs deux tableaux : une Némée assise sur un lion, tenant une palme : près d’elle est un vieillard debout, avec son bâton : au-dessus 2 est peint un bige. Nicias (XXXV, 40, 7) a écrit sur ce tableau qu’il l’avait fait à l’encaustique : telle est l’expression dont il s’est servi. Dans le second tableau, on admire la ressemblance d’un fils adolescent avec son vieux père, malgré la différence de l’âge qui a été observée ; au-dessus plane un aigle qui tient un serpent dans ses serres. Philocharès atteste qu’il est l’auteur de cet ouvrage : merveilleuse puissance de l’art, à en juger seulement par ce tableau, puisque, grâce à Philocharès, le sénat et le peuple romain contemplent depuis tant de siècles Glaucion et son fils Aristippe, personnages du reste tout à fait obscurs. L’empereur Tibère, quoique prince très-peu gracieux, a exposé dans le temple qu’à son tour il consacra à Auguste, des tableaux que nous indiquerons bien tôt (XXXV, 40, 7).

XI

v.
1
Nous nous en tiendrons là sur la dignité d’un art qui expire. Nous avons dit de quelles couleurs uniques les premiers artistes se