Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/103

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qu’on les crût décernés malgré lui. Cette modestie est, selon moi, plus belle que toutes les inscriptions, puisque, au lieu d’être gravé sur la pierre et sur le marbre, votre nom est inscrit dans les monuments impérissables de l’histoire.

LV- Les siècles rediront qu’il fut un prince comblé de gloire et de puissance, auquel ses contemporains ne déférèrent jamais que des honneurs médiocres, et souvent n’en déférèrent aucun. Il est vrai que, si nous voulions lutter avec le dévouement forcé des âges précédents, nous serions vaincus. Le mensonge est plus fertile en inventions que la vérité, la servitude que l’indépendance, la crainte que l’amour. Et d’ailleurs, quand l’adulation a tari depuis longtemps les sources de la nouveauté, quel hommage nouveau nous reste-t-il à vous offrir, si ce n’est d’oser quelquefois nous taire sur vos bienfaits ? S’il arrive que notre reconnaissance rompe le silence et triomphe de votre modestie, rappelons-nous quels honneurs nous vous décernons, et quels honneurs vous ne refusez pas : on verra que ce n’est point par orgueil et par dédain que vous rejetez les plus grands, puisque vous ne dédaignez pas les moindres. Accepter ces derniers, César, est plus beau que de les refuser tous : les refuser tous serait vanité ; c’est discrétion de choisir les plus modestes. Par ce sage tempérament, vous servez nos intérêts et ceux du trésor : les nôtres, en nous mettant à l’abri de tout soupçon, ceux du trésor, en ménageant ses fonds, que vous ne sauriez pas remplacer par les biens des innocents. Des statues vous sont donc dressées, telles qu’on en dressait jadis aux simples particuliers pour de grands services rendus à l’Etat. Les images de César sont de la même matière que celles des Brutus, que celles des Camilles. Et le motif de les ériger n’est pas différent : ces grands hommes chassèrent de nos murailles les rois et l’ennemi vainqueur ; César en chasse et en éloigne la royauté même et tous les maux qu’éprouvent les cités captives : s’il y garde le rang de prince, c’est pour qu’il ne reste point de place à un maître. Et certes, en considérant votre sagesse, je suis moins surpris que vous repoussiez ou que vous n’acceptiez qu’avec mesure ces titres mortels et périssables. Vous savez où est la véritable gloire, la gloire éternelle d’un prince ; où sont les honneurs contre lesquels ne peuvent rien, ni les flammes, ni les ans, ni un successeur. Car les arcs de