Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/105

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triomphe, les statues, les autels même et les temples, l’oubli les renverse, et en efface la mémoire ; la postérité les néglige, ou en fait un objet de censure. Mais une âme qui méprise l’ambition, qui sait dompter et soumettre au frein un pouvoir sans limites, acquiert une gloire que le temps même rajeunit, et n’a pas de plus zélés panégyristes que ceux à qui l’éloge est le moins commandé. D’ailleurs, aussitôt qu’un prince est assis au rang suprême, bonne ou mauvaise, sa réputation ne peut manquer d’être immortelle. Ce n’est donc pas une éternelle renommée qu’il doit ambitionner (il l’aura malgré lui), c’en est une bonne. Or il ne faut la demander ni aux statues ni aux images, mais au mérite et à la vertu. Enfin, ne croyons pas que la figure et les traits du prince, cette moindre partie de son être, se gravent et se conservent mieux sur l’or et sur l’argent que dans le cœur des hommes. Vous en êtes un heureux et mémorable exemple, vous dont le front serein et le visage gracieux reviennent dans tous les entretiens, sont devant tous les yeux, au fond de toutes les pensées.

LVI- Vous avez remarqué sans doute, pères conscrits, que depuis longtemps je ne choisis plus les traits que je rapporte. C’est le prince, en effet, que je veux louer, non les actions du prince. Des actions louables, le plus méchant peut en faire ; un éloge personnel, l’homme vertueux peut seul le mériter. C’est donc le comble de votre gloire, auguste empereur, qu’en vous adressant des remerciements nous n’ayons rien à déguiser, rien à omettre. Quel est l’acte de votre gouvernement que la voix d’un panégyriste soit obligé de passer sous silence ou de toucher avec précaution ? Est-il une heure, est-il un moment de votre vie qui soit stérile pour la bienfaisance ou perdu pour la gloire ? tout n’y est-il pas si accompli, que rien ne peut mieux vous louer que la simplicité d’un récit fidèle ? C’est ce qui fait que mon discours s’étend presque sans mesure, et ce n’est pas encore l’histoire de deux années. Que de choses j’ai dites de votre modération, et combien plus il m’en reste à dire ! Ainsi vous reçûtes un second consulat, parce qu’un prince et un père vous le déférait ; mais quand les dieux, en laissant dans vos seules mains le pouvoir suprême, vous eurent rendu maître de vous comme du monde, vous en refusâtes un troisième, que vous pouviez si dignement remplir. C’est beaucoup d’ajourner un honneur ; c’est plus encore d’ajourner la gloire.