Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/133

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les plus droites, sans être détournées du devoir, étaient découragées cependant par une réflexion malheureuse, mais vraie : Voyez, disait-on ; si je fais quelque bien, César le saura-t-il ? ou, s’il le sait, me rendra-t-il justice ? Ainsi cette indifférence ou cette jalousie des princes, en promettant l’impunité aux mauvaises actions, et en privant les bonnes de récompenses, n’éloignait pas du crime, et dégoûtait de la vertu. Aujourd’hui, si quelqu’un a sagement administré une province, la dignité qu’il a méritée lui est offerte. Le champ de l’honneur et de la gloire est ouvert à tout le monde ; chacun peut y venir chercher la palme qu’il ambitionne, et, l’ayant obtenue, n’en savoir gré qu’à lui-même. Les provinces aussi vous devront de n’avoir plus ni injustices à craindre, ni coupables à poursuivre. Quand leurs remerciements profiteront à ceux qui les reçoivent, personne ne leur donnera lieu de se plaindre. Il convient d’ailleurs que le plus beau titre aux charges que l’on demande soient les charges que l’on a remplies : rien ne sollicite mieux les magistratures et les honneurs, que les honneurs et les magistratures. Je veux que le gouverneur d’une province allègue en sa faveur, non les seules lettres de ses amis, et des prières qu’une intrigue partie de Rome aura dictées à la complaisance, mais les décrets des colonies, les éloges des cités. Il est beau de voir, mêlés aux suffrages des hommes consulaires, des noms de villes, de peuples, de nations. La brigue la plus efficace est celle des actions de grâces.

LXXI- Dirai-je maintenant quels furent l’enthousiasme et la joie des sénateurs, lorsque, après avoir prononcé le nom d’un candidat, vous descendiez de votre siège pour l’embrasser, et alliez au-devant de lui, comme le dernier de ceux qui le félicitaient ? Devons-nous admirer cette conduite, ou condamner ces princes qui l’ont rendue admirable, eux qui, attachés pour ainsi dire à leurs chaises curules, présentaient leur main seule à baiser, et cela avec des façons dédaigneuses et un air de reproche ? Nos yeux ont donc pu contempler un spectacle nouveau, un prince et un candidat égaux pour cette fois, et debout l’un devant l’autre ; on a vu celui qui donnait le consulat se mettre au niveau de ceux qui le recevaient. Ah ! combien à cet aspect le sénat s’est justement écrié : « Il en est d’autant plus grand, d’autant plus auguste ! » En effet, celui