Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/137

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les hommes. Il était difficile d’égaler par nos louanges des prières si généreuses : nous les avons égalées cependant. Quelle vivacité d’amour, quel feu, quel enthousiasme dans nos acclamations ! Ce n’est pas notre esprit, César, c’est votre vertu, ce sont vos bienfaits, qui nous suggérèrent ces paroles que l’adulation ne trouva jamais, que jamais n’arracha la terreur. Quel prince avons-nous assez redouté pour feindre de pareils transports, assez chéri pour avouer de pareils sentiments ? Vous savez à quoi force la servitude : quand avez-vous entendu, quand avez-vous dit rien de semblable ? La crainte est fertile en inventions, mais ce qu’elle invente porte le caractère de la contrainte : l’inquiétude n’a pas les mêmes inspirations que la sécurité ; la tristesse ne trouve pas les mêmes accents que la joie : elles ne sauraient mutuellement se contrefaire. Les heureux ont leur langage comme les malheureux ; et, quand les uns et les autres diraient les mêmes choses, ils les diraient d’une manière différente.

LXXIII- Vous pouvez attester vous-même quelle allégresse se peignit sur tous les visages : elle parut jusque dans le désordre de nos toges et de notre extérieur. De là ces voix dont retentirent les lambris de ce palais, et ces acclamations qu’aucunes murailles n’auraient pu renfermer. Qui de nous ne s’élança pas de sa place ? qui de nous s’aperçut qu’il en était sorti ? Beaucoup de mouvements furent libres ; plus encore furent, pour ainsi dire, involontaires et commandés ; car la joie aussi possède une force qui se fait obéir. Votre modestie put-elle au moins mettre une borne à nos transports ? Non, César, et vos efforts pour les modérer les firent éclater davantage : ce n’était point esprit de désobéissance ; s’il est en votre pouvoir de nous donner de la joie, il n’est pas au nôtre d’en régler la mesure. Vous-même avez rendu justice à la sincérité de nos acclamations par la vérité de vos larmes. Nous avons vu vos yeux devenir humides, une douce joie abaisser vos paupières, et la rougeur de votre visage réfléchir la modestie de votre âme. Alors, avec un redoublement d’ardeur, nous avons prié les dieux que la source de ces larmes ne se tarît jamais, et que jamais ne s’effaçât la rougeur de votre front. Supposons que cette enceinte et ces lieux sacrés aient une voix pour nous répondre, et demandons-leur s’ils ont vu quelquefois les larmes d’un prince : ah ! trop souvent