Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/139

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ils ont vu celles du sénat. Votre exemple sera un péril pour vos successeurs, mais pour les nôtres aussi : les nôtres exigeront que leurs princes méritent les mêmes bénédictions que vous ; les princes s’indigneront de ne pas les recevoir.

LXXIV. Je ne peux rien dire de plus vrai que ce qui a été dit par le sénat tout entier : « O que vous êtes heureux ! » Et, quand nous parlions de la sorte, ce n’était point votre fortune que nous admirions, c’était votre âme. C’est en effet le bonheur véritable, que d’être jugé digne du bonheur. Beaucoup de paroles ont été prononcées ce jour-là, pleines de sagesse et de dignité ; aucune cependant n’est plus frappante que celle-ci : « Croyez-en nos discours, croyez-en votre conscience. » Il fallait avoir une grande foi en nous-mêmes, une plus grande en vous, pour tenir ce langage : un homme peut en tromper un autre ; personne ne se trompera soi-même ; il suffit d’examiner sa propre vie et de se demander quelle estime elle mérite. Ainsi nos paroles trouvaient créance auprès d’un bon prince, par la raison même qui les décréditait auprès des mauvais : en vain nous faisions pour eux ce qu’on fait quand on aime : leur conscience leur disait qu’ils n’étaient pas aimés. A nos cris de joie nous avons ajouté une prière : « Puissent les dieux vous chérir autant que vous nous chérissez ! » Qui parlerait ainsi de soi à un prince qui n’aimerait qu’à demi ? Quant aux vœux que nous fîmes pour nous-mêmes, un seul vœu les renferme : Être aimés des dieux comme de vous. Est-ce avec assez de vérité que, parmi de tels souhaits, nous nous sommes écriés : « Ô que nous sommes heureux » ? N’est-ce pas l’être en effet au plus haut degré, que d’avoir à désirer pour tout bien, non plus que le prince nous aime, mais que les dieux nous aiment comme le prince ? Cette cité religieuse, et qui de tout temps mérita par sa piété les faveurs du ciel, ne conçoit qu’une chose capable d’accroître sa félicité : c’est que les dieux suivent l’exemple de César.

LXXV. Mais pourquoi rappeler chaque circonstance et les recueillir une à une, comme si mon discours pouvait embrasser, ou ma mémoire retrouver tous ces traits que vous avez voulu, pères conscrits, sauver à jamais de l’oubli, en ordonnant qu’ils fussent consignés dans les actes publics et gravés sur l’airain ? Jusqu’ici les monuments de ce genre n’éterni-


    tione dederam : nihil felicitatis sibi, codem sensy. Sequor plurimos.