Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/155

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gnent vos pas, comment ne marcherait-elle point avec un égal silence ? et son époux allant à pied, pourrait-elle n’y pas aller comme lui, autant que le permet la faiblesse de son sexe ? Il lui siérait de faire ainsi, quand même vous feriez le contraire ; mais, sous cet enseignement domestique de modestie, à quelle réserve une épouse n’est-elle pas obligée envers son mari, une femme envers elle-même ?

LXXXIV- Et votre sœur, comme elle se souvient qu’elle est votre sœur ! Comme votre simplicité, votre franchise, votre candeur, se reconnaissent en elle ! Oui, si on la compare à votre épouse, on doutera lequel est plus efficace pour bien vivre, de recevoir de bonnes leçons, ou d’être heureusement né. Rien ne mène plus facilement aux querelles que l’émulation, surtout entre des femmes : or, elle naît principalement de l’alliance, se nourrit de l’égalité, s’enflamme par l’envie, dont le terme est la haine. Nous en devons admirer davantage que deux femmes, dans une même demeure et dans une fortune égale, ne connaissent ni disputes ni rivalités. Elles s’estiment mutuellement, se cèdent l’une à l’autre ; et, quoique toutes deux aient pour vous une tendresse sans bornes, elles ne pensent pas qu’il leur importe laquelle des deux sera plus aimée de vous. Les mêmes vues, le même esprit, dirigent leur conduite, et rien chez elles ne vous fait apercevoir qu’elles sont deux. Elles s’étudient à vous imiter, à marcher sur vos traces ; aussi toutes deux ont-elles les mêmes mœurs, parce qu’elles ont les vôtres. De là une constante modération ; de là encore une sécurité inaltérable : elles ne risqueront jamais de redevenir de simples femmes ; elles n’ont jamais cessé de l’être. Le sénat avait offert à chacune d’elles le surnom d’Augusta : elles se sont défendues à l’envi de l’accepter, tant que vous refuseriez le titre de Père de la patrie ; peut-être aussi trouvaient-elles plus grand d’être nommées votre épouse ou votre sœur, que d’être appelées augustes. Mais, quelle que soit la raison qui leur a inspiré une telle modestie, elles sont augustes dans nos âmes ; elles le sont et elles le paraissent avec d’autant plus de justice, qu’elles n’en portent pas le nom. Qu’y a-t-il en effet de plus louable pour des femmes, que de placer le véritable honneur, non dans l’éclat des titres, mais dans l’approbation publique, et de se rendre dignes des distinctions les plus hautes par le refus même qu’elles en font ?