Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/45

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ennemis eux-mêmes, craignaient des représailles. De tels princes aimaient à voir toute ardeur militaire s’éteindre, les corps languir aussi bien que les âmes, et jusqu’aux glaives oubliés s’émousser et se couvrir de rouille. Alors nos généraux redoutaient moins les embûches des étrangers que celles de leurs princes, le fer des barbares que le bras et l’épée de leurs compagnons d’armes.

XIX- Dans le ciel, le lever des grands astres efface les clartés moins vives et moins puissantes ; ainsi l’arrivée du prince éclipse la dignité de ses lieutenants. Vous, cependant, vous étiez plus grand que tous les autres, mais sans rien ôter à leur grandeur personnelle. Chacun des chefs retenait, vous présent, l’autorité qu’il avait en votre absence ; plusieurs même virent croître pour eux un respect dont vous étiez le premier à leur donner des marques. Ainsi, également cher aux petits et aux grands, l’empereur et le soldat se confondaient en vous ; et si vos ordres animaient puissamment le zèle et le travail, votre exemple et votre empressement à les partager en diminuaient la fatigue. Heureux ceux qui servaient sous vos enseignes ! leur dévouement et leur capacité ne vous étaient pas connus par le récit de bouches étrangères ; vous en jugiez vous-même sur le témoignage, non de vos oreilles, mais de vos yeux. Ils y ont gagné cet avantage, que, même absent, vous n’en croyez personne plus que vous sur le mérite des absents.

XX- Déjà les vœux des citoyens vous rappelaient, et l’attrait des camps le cédait à l’amour de la patrie. Votre marche est paisible et modeste ; on s’aperçoit que vous revenez d’une œuvre de paix. N’attendez pas que je vous loue de ce que ni un mari ni un père n’ont tremblé à votre approche : cette pureté de mœurs, affectée par d’autres, est chez vous un don de la nature ; c’est un de ces mérites dont vous ne pouvez vous prévaloir. Les voitures qui vous sont dues sont réclamées sans désordre ; aucun logement n’est dédaigné par vous ; vos vivres sont ceux de tout le monde. Ajoutez une suite obéissante et disciplinée : on eût dit quelque grand capitaine (vous, par exemple) allant aux armées ; tant il y avait peu de différence de l’empereur nommé à l’empereur futur ! Oh ! combien dissemblable fut naguère le passage d’un autre prince (si toutefois le nom de pillage ne convient pas mieux), alors qu’il chassait devant lui ses hôtes effrayés, et que tout, à droite et à gauche,