Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/87

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pect de votre nom ? Un prince a obtenu que le peuple romain souffrît l’abolition du spectacle des pantomimes, mais non qu’il la voulût : et voilà qu’on implore de vous ce qu’un autre imposait ; qu’on reçoit comme une grâce ce qu’on subissait comme une nécessité. Oui, le même concert de vœux qui avait arraché à votre père le rétablissement de ces histrions vous a porté à les bannir du théâtre. Et ce fut une double justice : il convenait de rappeler ceux qu’un mauvais prince avait bannis, et de les bannir après les avoir rappelés ; car, à l’occasion du bien que font les méchants, il faut agir de telle sorte qu’il soit évident que l’auteur a déplu, et non l’œuvre. On voit donc ce même peuple, qui applaudissait autrefois un empereur comédien, réprouver maintenant et condamner, jusqu’en des pantomimes, les arts efféminés et les talents indignes de ce beau siècle : preuve évidente que le vulgaire s’instruit à l’école des princes, puisque une réforme qui, ordonnée par un seul, serait très sévère, a été faite par le concours de tous. Persistez, César, dans cet esprit de sagesse et de conduite, par l’influence duquel une privation qui paraissait dure et arbitraire est passée dans les mœurs. Ceux qui avaient besoin qu’on les réprimât ont les premiers corrigé leurs vices, et ceux qu’il fallait réformer ont été leurs propres réformateurs. Aussi personne n’accuse-t-il votre sévérité, quoiqu’il soit libre à chacun de le faire ; mais telle est la nature des choses, que nul prince n’est l’objet de moins de plaintes que celui sous lequel toute plainte est permise ; et tels sont les actes de votre gouvernement, qu’il n’est pas une classe d’hommes qui n’ait lieu d’y applaudir et de s’en féliciter. Les bons reçoivent le prix du mérite ; les méchants (indice certain d’une société parfaitement tranquille) ne craignent ni ne sont craints. Vous redressez les erreurs, mais quand elles vous implorent ; et vous ménagez à ceux que vous rendez meilleurs cette gloire de plus, qu’ils ne paraissent pas le devenir par force.

XLVII- Et les mœurs, et l’esprit de la jeunesse, avec quelle sollicitude de prince vous les formez ! en quel honneur sont auprès de vous les maîtres d’éloquence ! de quelle considération vous environnez les philosophes ! comme vous avez ranimé, vivifié, rendu à leur patrie ces nobles études que la barbarie des derniers temps punissait de l’exil, alors qu’un prince dont la conscience était souillée de tous les vices bannissait,