Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/95

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tenir enfin à des maîtres qui savent ce qu’ils possèdent. Un immense tableau circule au nom de César, contenant le détail de tout ce qu’il veut vendre ; comme pour faire détester l’avarice d’un tyran qui avait tant de désirs parmi tant de superflu. Alors était mortelle auprès du prince, à celui-ci une maison un peu vaste, à celui-là une campagne agréable. Le prince aujourd’hui est le premier à chercher, à donner de sa main, des maîtres à ces mêmes biens. Ces jardins qui appartinrent jadis à un grand général, ce palais aux portes de Rome qui n’appartint jamais qu’à un César, nous y mettons l’enchère, nous les achetons, nous les occupons. Telle est la générosité du prince, qu’il nous croit dignes de posséder ce que possédèrent des empereurs ; telle est la sécurité des temps, qu’aucun de nous ne s’effraye d’en être jugé digne. Mais c’est peu d’offrir à vos citoyens le moyen d’acheter ce qui leur plaît : vous leur donnez libéralement les plus beaux domaines, vous leur donnez ce qu’un choix auguste, ce que l’adoption a rendu vôtre ; vous leur transmettez ce que vous avez reçu d’une volonté libre ; et il n’est pas de bien que vous regardiez comme plus à vous, que celui que vous possédez par les mains de vos amis.

LI- Vous ne mettez pas moins de réserve à bâtir que de soin à conserver. Aussi ne voit-on plus d’énormes pierres, transportées par la ville, en ébranler les édifices ; les maisons ne craignent plus de secousses, et les faîtes des temples ont cessé de trembler. Vous croyez avoir assez et trop de biens : successeur du plus désintéressé des princes, il est beau de trouver du superflu à retrancher sur ce qu’un tel prince vous a laissé comme nécessaire : ajoutons que, si votre père dérobait à ses jouissances ce que lui avait donné le rang suprême, vous dérobez aux vôtres ce que vous a donné votre père. Mais combien vous êtes magnifique dans les ouvrages publics ! Ici des portiques, là des édifices sacrés s’élèvent comme par enchantement, et de si grandes constructions ressemblent à de rapides métamorphoses. Ailleurs, l’immense pourtour du cirque défie la beauté des plus superbes temples : cirque vraiment digne de recevoir les vainqueurs du monde, et qui ne mérite pas moins d’être vu que les spectacles qu’on y viendra regarder. Il le mérite et par toutes ses beautés, et par cette égalité de places qui semble confondre le prince avec le peuple. Partout le même aspect ; rien ne rompt la