Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/221

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jure ! Il avait, en effet, affirmé son imposture par les jours de son fils[1]. Ce crime est familier à Regulus. Il expose sans scrupule à la colère des dieux, qu’il trompe tous les jours, la tête de son malheureux fils, et le donne pour garant de tant de faux sermens. Velleius Blésus, ce riche consulaire, voulait, pendant sa dernière maladie, changer quelque chose à son testament. Regulus, qui se promettait quelque avantage de ce changement, parce qu’il avait su, depuis quelque temps, s’insinuer dans l’esprit du malade, s’adresse aux médecins, les prie, les conjure de prolonger, à quelque prix que ce soit, la vie de son ami. Le testament est à peine scellé, que Regulus change de personnage et de ton. Eh ! combien de temps, dit-il aux médecins, voulez-vous encore tourmenter un malheureux ? Pourquoi envier une douce mort à gui vous ne pouvez conserver la vie ? Blésus meurt ; et, comme s’il eût tout entendu, il ne laisse rien à Regulus.

C’est bien assez de deux contes : m’en demandez-vous un troisième, selon le précepte de l’école[2] ? il est tout prêt. Aurélie, femme d’un rare mérite, allait sceller son testament[3] : elle se pare de ses plus riches habits. Regulus, invité à la cérémonie, arrive ; et aussitôt, sans autre détour : Je vous prie, dit-il, de me léguer ces vêtemens. Aurélie, de croire qu’il plaisante ; lui, de la presser fort sérieusement : enfin, il fait si bien, qu’il la contraint d’ouvrir son testament, et de lui faire un legs des robes qu’elle portait. Il ne se contenta pas de la voir écrire, il voulut encore lire ce qu’elle avait écrit. Il est vrai qu’Aurélie n’est pas morte ; mais ce n’est pas la faute de Regulus : il avait bien compté qu’elle n’échapperait pas. Un homme de ce caractère ne laisse pas de recueillir des successions et de recevoir des legs, comme s’il le méritait. Cela doit-il sur-

  1. Il avait en effet, etc. Le traducteur avait à tort ajouté celte dernière phrase aux paroles de Verania : c’est évidemment une réflexion de Pline ; le temps seul de pejerasset suffit pour le prouver.
  2. Selon le précepte de l’école. Le nombre trois plaisait singulièrement aux écoles philosophiques de l’antiquité ; c’était pour elles l’emblème des plus sublimes vérités. Nous avons donné à scholastica lege un sens analogue à cette croyance, et nous pensons que De Sacy s’est trompé en traduisant : Selon la coutume des écoliers.
  3. Allait sceller, etc. De Sacy a traduit signer : ce n’est pas le sens de signare, qui veut dire apposer son cachet ou son sceau. C’était chez les Romains une cérémonie à laquelle on invitait ses parens et ses amis.