Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/263

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Classicus nous donna peu de peine. Il avait laissé parmi ses papiers un mémoire écrit de sa main, où l’on trouvait au juste ce que lui avait valu chacune de ses concussions. Nous avions même une lettre de lui fort vaine et fort impertinente, qu’il avait écrite à une de ses maîtresses à Rome. Réjouissons-nous, lui disait-il, je reviens près de vous, et je reviens libre de toute dette[1] : j’ai gagné quatre millions de sesterces sur la vente d’une partie des domaines de la Bétique. Probus et Hispanus nous embarrassèrent davantage. Avant d’entrer dans l’exposition de leurs crimes, je crus qu’il était nécessaire de faire voir que l’exécution d’un ordre inique était un crime ; autrement, c’était perdre son temps que de prouver qu’ils avaient été les ministres des ordres de Classicus ; car ils ne niaient pas les faits dont ils étaient chargés, mais ils s’excusaient sur la nécessité d’obéir : habitans de la province, disaient-ils, ils étaient soumis par la crainte à toutes les volontés des proconsuls. Claudius Restitutus, qui me répliqua, a pour lui une longue habitude du barreau, et une vivacité naturelle qui lui fournit toujours la réponse aux argumens les moins prévus : cependant il avoue hautement que jamais il ne fut plus troublé, plus déconcerté, que lorsqu’il se vit arracher les seules armes où il avait mis sa confiance.

Voici quel fut l’événement. Le sénat ordonna que les biens dont Classicus jouissait, avant qu’il prît possession de son gouvernement, seraient séparés de ceux qu’il avait acquis depuis : les premiers furent abandonnés à sa fille, les autres rendus aux peuples dépouillés. On alla plus loin : on ordonna que les créanciers, qu’il avait payés, restitueraient ce qu’ils avaient reçu ; et l’on exila pour cinq ans Hispanus et Probus : tant on jugea cou-

  1. Libre de toute dette. Parce qu’il s’acquitterait avec l’argent volé. Ce sens, indiqué par les commentateurs, nous a paru le seul raisonnable. Nous ne concevons pas pourquoi De Sacy avait traduit liber par le mot de grand seigneur ; « Je pars pour me rendre auprès de vous, et je pars grand seigneur. »