Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pable ce qui d’abord avait à peine semblé suffire pour motiver une accusation !

Peu de jours après, nous plaidâmes contre Clavius[1] Fuscus, gendre de Classicus, et contre Stillonius Priscus, qui avait commandé une cohorte sous Classicus : leur sort fut très-différent ; on bannit Priscus de l’Italie pour deux ans ; Fuscus fut renvoyé absous. Dans la troisième audience, il nous sembla plus convenable de rassembler un grand nombre de complices. Il nous parut à craindre qu’en faisant traîner plus long-temps cette affaire, le dégoût et l’ennui ne refroidissent l’attention des juges, et ne lassassent leur sévérité. Il ne restait d’ailleurs que des criminels d’une moindre importance, et que nous avions tout exprès réservés pour les derniers. J’en excepte pourtant la femme de Classicus : l’on avait assez d’indices pour la soupçonner, mais non assez de preuves pour la convaincre. A l’égard de sa fille aussi accusée, les soupçons même manquaient. Lors donc qu’à la fin de cette audience j’eus à parler d’elle, n’ayant plus à craindre, comme au commencement, d’ôter à l’accusation quelque chose de sa force, j’obéis à l’honneur, qui me faisait une loi de ne point opprimer l’innocence : je ne me contentai pas de le penser, je le dis librement, et de plus d’une manière. Tantôt je demandais aux députés s’ils m’avaient instruit de quelque fait qu’ils pussent se promettre de prouver contre elle ; tantôt je m’adressais au sénat, et le suppliais de me dire, s’il croyait qu’il me fût permis d’abuser du peu d’éloquence que je pouvais avoir, pour accabler une femme innocente, et pour lui plonger le poignard dans le sein. Enfin, je conclus par ces paroles : Quelqu’un dira : vous vous érigez donc en juge ?

  1. Clavius. C’est la leçon de toutes les bonnes éditions : dans celle dont De Sacy s’était servi, il y avait Claudius.