Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

non ; mais je n’oublie pas que je suis un avocat tiré du nombre des juges.

Telle a été la fin de cette longue affaire. Les uns ont été absous ; la plupart condamnés, et bannis, ou à temps, ou à perpétuité. Le. décret du sénat loue en termes fort honorables notre application, notre zèle, notre fermeté ; et cela seul pouvait dignement récompenser de si grands travaux. Vous comprenez aisément à quel point m’ont fatigué tant de plaidoiries différentes, tant d’opiniâtres disputes, tant de témoins à interroger, à raffermir, à réfuter. Représentez-vous quel embarras, quel chagrin, de se montrer toujours inexorable aux sollicitations secrètes, et de résister en face aux protecteurs déclarés d’un si grand nombre de coupables. En voici un exemple. Quelques-uns des juges eux-mêmes, au gré desquels je pressais trop un accusé des plus accrédités, se récrièrent hautement. — Il n’en sera pas moins innocent, leur répliquai-je, quand j’aurai tout dit contre lui. Imaginez par là quelles contradictions il m’a fallu essuyer, quelles inimitiés je me suis attirées ! ces inimitiés dureront peu, il est vrai ; car l’intégrité, qui blesse d’abord ceux à qui elle résiste, devient bientôt l’objet de leur estime et de leurs louanges.

Je ne pouvais pas vous exposer plus clairement toute cette affaire. Vous allez me dire : Elle n’en valait pas la peine ; je me serais bien passé d’une si longue lettre. Cessez donc de me demander si souvent ce que l’on fait à Rome ; et souvenez-vous qu’une lettre ne peut être longue, lorsqu’elle embrasse tant de journées, tant de discussions, tant d’accusés enfin et tant de causes différentes. Il n’était pas possible, ce me semble, de vous mander tout cela, ni en moins de mots, ni plus exactement. Je me