Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/31

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délicatesse avec laquelle il pense, on sera bien plutôt tenté de croire qu’il avait oublié ce qu’il devait à Pline, ou qu’il voulait le faire oublier aux autres.

Je l’avouerai pourtant, il se trouve de la différence entr’eux. L’enjouement fait le fond des lettres de Voiture, et l’ornement de celles de Pline.

Le premier est plus hardi ; le second plus retenu dans ses plaisanteries. Jamais Pline n’eût hasardé la lettre du clou à une grande princesse, ni celle des chevaux de poste à une dame qu’il eût respectée. Celui-là n’écrit que pour rire ; celui-ci ne rit que pour égayer ce qu’il écrit. Tous deux réjouissent quand ils badinent ; mais l’un ne prend point le sérieux que les lecteurs n’y perdent ; l’autre, qu’ils n’y gagnent. Enfin, l’imagination peut trouver plus son compte avec Voiture, le cœur avec Pline.

On ne peut jeter les yeux sur ses lettres, sans y reconnaître la source de cette sorte de politesse, qui, par des paroles obligeantes, multiplie le bienfait, et donne des grâces même au refus. Il a des premiers enrichi le commerce des hommes de cette agréable flatterie qui plaît sans nuire, et qui s’éloigne également de la bassesse des courtisans et de la bonté des philosophes.

Il est surprenant que Montaigne l’accuse de vanité. Si Pline, dans des discours publics, eût continuellement ramené son mérite et ses services ; si dans des traités de