Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/33

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fait voir tant de timidité, de modestie et de sagesse, que Montaigne eût mieux parlé, s’il eût bien lu cette lettre.

Pour moi, puisqu’il faut que je paie le tribut de préférence que tout traducteur doit à son original ( car de quel droit m’en affranchir ? ), je ne feindrai point de le dire : peut-être qu’ailleurs on trouvera un génie plus naturel et plus facile ; mais nulle autre part, l’on ne rencontrera tant de mœurs.

Si ce n’est pas ce que la plupart des lecteurs cherchent dans des lettres, c’est du moins ce qu’ils devraient y chercher. Les leçons de morale débitées dans les livres, où les vertus sont traitées par chapitres, et démontrées par règles, ont ordinairement le sort ou de dégoûter par la sécheresse du dogme, ou de ne toucher que légèrement des esprits qui se tiennent sur leurs gardes.

Les lettres seules ont le privilége d’insinuer dans le cœur, avant même qu’il s’en aperçoive, les sentimens qu’elles exposent. On s’y familiarise insensiblement avec les vertus que l’on y voit chacune à sa place, chacune appliquée à son usage. Charmés de les retrouver dans l’exercice continuel des plus communs devoirs de la vie civile, nous revenons de l’erreur qui nous les représentait auparavant comme les idées et les chimères des sages, ou comme les irréconciliables ennemies de la nature. Le peu qu’elles paraissent avoir coûté, inspire la hardiesse d’y prétendre et l’espérance d’y parvenir. On