Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/42

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verselle que rare, dans une ville où l’on ne manquait ni de concurrens ni d’envieux.

Comme il avait naturellement du feu, de l’élévation et de l’agrément dans l’esprit, et que la première règle qu’il tenait de son excellent maître, c’était de suivre son propre génie et de s’y accommoder, la symétrie exacte, les pensées brillantes, les tours hardis régnèrent partout, et peut-être un peu trop, dans ses ouvrages. Ce n’est pas qu’il allât à grands frais les chercher loin de son sujet ; mais la facilité qu’il avait à les trouver lui faisait croire qu’ils en sortaient, pendant que ceux à qui un génie différent les cachait, les regardaient comme des ornemens affectés, étrangers, et qui coûtent beaucoup. Aussi la raison n’y perdit jamais rien. Elle en fut plus belle, plus à la mode du siècle où il vivait, mais non pas moins forte. Il eut plus d’une fois la satisfaction de se voir l’entrée du barreau fermée par la foule des auditeurs qui l’attendaient, quand il devait parler : il fallait qu’il passât au travers du tribunal des juges pour arriver à sa place. II parlait quelquefois sept heures, et il en était seul fatigué. Comme il ne s’écartait jamais de son sujet, comme ce qu’il disait était toujours juste et nouveau, qu’il savait intéresser l’esprit et le cœur tout à la fois, le temps coulait rapidement : la chaleur la plus violente devenait supportable, et toutes les incommodités inséparables d’un nombreux auditoire s’évanouissaient, tant qu’on avait le plaisir de l’entendre. Souvent les juges, au milieu de son action, oubliant ce qu’ils devaient à leur caractère, et comme transportés hors d’eux, se levaient de leurs sièges, et mêlaient, leurs applaudissemens à ceux du public. C’est ce qui fait dire à Quinti -