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LIVRE CINQUIÈME.


exprimé d’une manière allégorique en disant qu’elle n’a pas de mère. On doit la regarder plutôt comme une divinité que comme une puissance démoniaque, puisqu’elle est pure, qu’elle n’a aucun rapport avec la matière, et qu’elle demeure en elle-même.

En effet, ce qui naît immédiatement de l’Intelligence est pur lui-même, parce que, par sa proximité même de l’Intelligence, il a plus de force par soi, qu’il désire s’unir fermement au principe qui l’a engendré et qui peut le retenir là-haut. L’Âme qui se trouve ainsi suspendue à l’Intelligence ne saurait donc déchoir, pas plus que la lumière qui brille autour du soleil ne pourrait se séparer de l’astre d’où lle rayonne et auquel elle est suspendue

S’attachant à Cronos, ou, si l’on veut à Uranos, père de Cronos[1], Vénus Uranie se tourne vers Uranos et s’unit à lui ; en l’aimant, elle enfante l’Amour, avec lequel elle contemple Uranos. L’acte de Vénus constitue ainsi en la personne de l’Amour une hypostase, une essence. Ils attachent donc tous deux sur Uranos leurs regards, et la mère et le bel enfant dont la nature est d’être une hypostase toujours tournée vers une autre beauté, d’être une essence intermédiaire entre l’amante et l’objet aimé. En effet, l’Amour est l’œil par lequel l’amante voit l’objet aimé ; il la prévient en quelque sorte, et, avant de lui donner la faculté de voir par l’organe qu’il constitue, il est déjà lui-même plein du spectacle offert à sa contemplation. Il prévient l’amante, dis-je ; mais il ne contemple pas l’intelligible de la même manière qu’elle le fait, en ce qu’il lui offre le spectacle de l’intelligible et qu’il jouit lui-même de la vision du Beau, vision qui rayonne autour de lui [comme une auréole lumineuse].

III. Il est impossible de ne pas reconnaître que l’Amour

  1. Uranos représente l’Un, le Bien, le premier principe ; Cronos, l’Intelligence divine, le deuxième principe ; Vénus Uranie, l’Âme universelle, le troisième principe. Voy. Enn. V, liv. VIII, § 12, 13.