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TROISIÈME ENNÉADE.


contraire à aller de l’origine de leur existence jusqu’aux dernières limites du temps au delà duquel elles ne seront plus ; c’est là ce qui constitue leur futur[1]. Dès qu’on leur retranche leur futur, on diminue leur vie, par conséquent leur existence. C’est ce qui arrivera également à l’univers tant qu’il existera : il aspire à être ce qu’il doit être, il y aspire sans relâche parce qu’il puise l’existence dans la production continuelle de nouveaux actes ; par la même raison, il se meut en cercle parce qu’il désire posséder l’Essence intelligible[2]. Telle est l’existence que nous découvrons dans les choses engendrées, telle est la cause qui les fait aspirer sans cesse à exister dans le futur. Les êtres qui occupent le premier rang et qui sont bienheureux n’ont aucun désir du futur, parce qu’ils sont déjà tout ce

    et conantur æterna sapere ; sed adhuc in præteritis et futuris rerum motibus cor eorum volitat, et adhuc vanum est. Quis tenebit illud, et figet illud ut paululum stet, et paululum rapiat splendorem semper stantis œternitatis, et comparet cum temporibus nunquam stantibus, et videat esse incomparabilem ; et videat longum tempus, nisi ex multis prætereuntibus motibus, qui simul extendi non possunt, longum non fieri ; non autem præterire quidquam in æterno, sed totum esse prœsens, nullum vero tempus esse præsens ; et videat omne præteritum propelli ex futuro, et omne futurum ex prœterito consequi, et omne prœteritum ac futurum ab eo quod semper est præsens creari et excurrere ? Quis tenebit cor hominis ut stet, et videat quomodo stans dictet futura et præterita tempora, nec futura nec præterita æternitas ? » (S. Augustin, Confessiones, XI, 11.) On trouve aussi les mêmes idées dans Fénelon : « Je ne suis pas, ô mon Dieu, ce qui est. Hélas ! je suis presque ce qui n’est pas. Je me vois comme un milieu incompréhensible entre le néant et l’être : je suis celui qui a été ; je suis celui qui sera ; je suis celui qui n’est plus ce qu’il a été ; je suis celui qui n’est pas encore ce qu’il sera, et dans cet entre deux que suis-je ? un je ne sais quoi qui ne peut s’arrêter en soi, qui n’a aucune consistance, qui s’écoule rapidement comme l’eau, etc. » (De l’Existence de Dieu, II, ch. 5, § 3.)

  1. Nous lisons avec M. Kirchhoff : τοῦτο δὲ τὸ ἔσται εἶναι.
  2. Voy. t. I, p. 161. Voy. le P. Thomassin, Dogmata theologica, t. I, p. 249, 328.