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LIVRE SEPTIÈME.


qu’il est dans leur nature d’être, qu’ils possèdent toute la vie qu’ils doivent posséder ; ils n’ont donc rien à chercher, puisqu’il n’y a pas de futur pour eux ; ils ne peuvent pas non plus recevoir en eux une chose pour laquelle il y aurait du futur. Ainsi, l’essence de l’Être intelligible est absolue, entière, non-seulement dans ses parties, mais encore dans sa totalité, qui n’offre aucun défaut, à laquelle rien ne manque, à laquelle ne saurait s’ajouter rien de ce qui appartient au non-être : car l’Être intelligible doit non-seulement embrasser tous les êtres dans sa totalité et son universalité, mais encore ne rien recevoir qui appartienne au non-être[1]. C’est dans cette disposition et cette nature de l’Être intelligible que consiste l’Éternité : car αἰὼν (éternité) vient de ἀεὶ ὤν (étant toujours)[2].

IV. On s’assure qu’il en est ainsi quand, appliquant son intelligence à la contemplation de quelqu’un des intelligibles[3], on peut affirmer ou plutôt voir qu’il est absolument incapable d’avoir jamais subi aucun changement ; sinon, il ne serait pas toujours, ou du moins il ne serait pas toujours tout entier. Est-il ainsi perpétuel ? Oui sans doute : telle est sa nature qu’on reconnaît qu’il est toujours tel qu’il est et

  1. « Dieu est immuable. Ce qui est par soi ne peut jamais être conçu autrement : il a toujours la même raison d’exister, et la même cause de son existence, qui est son essence même ; il est donc immuable dans son existence. Il n’est pas moins incapable de changement pour les manières d’être que pour le fond de l’être. Dès qu’on le conçoit infini et infiniment simple, on ne peut plus lui attribuer aucune modification : car les modifications sont les bornes de l’être, etc. » (Fénelon, ibidem.)
  2. Cette étymologie est empruntée à Aristote : αἴών ἐστι ἀπὸ τοῦ ἀεὶ εἶναι εἰληφὼς τὴν ἐπωνυμίαν, ἀθάνατος ϰαὶ θεῖος. (Du Ciel, I, 9, p. 25.)
  3. Taylor traduit ce passage inexactement : « He, however, will know that eternity thus subsits, who by the projecting energies of intellect is able to speak concerning it. » Il lit αἰῶνι au lieu de τινί. Aucun des manuscrits ne donne cette leçon, et il n’est point nécessaire de rien changer au texte.