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LIVRE HUITIÈME.


donné l’existence au monde intelligible ? où et comment a-t-il engendré l’Intellect si pur, ce fils si beau qui tient de son père toute sa plénitude[1] ? Ce principe suprême n’est lui-même ni intellect, ni fils, il est supérieur à l’Intellect, qui est son fils. L’Intellect, son fils, est après lui, parce qu’il a besoin de recevoir de lui son intellection et la plénitude qui est sa nourriture ; il tient le premier rang après Celui qui n’a besoin de rien, pas même d’intellection. L’Intellect possède cependant la plénitude et la véritable intellection parce qu’il participe du Bien immédiatement. Ainsi, le Bien, étant au-dessus de la véritable plénitude et de l’intellection, ne les possède pas et n’en a pas besoin ; sinon, il ne serait pas le Bien[2].

  1. Ὁ τοῦτον παῖδα γεννήσας νοῦν, ϰόρον ϰάλὸν, ϰαὶ παρ’ αὐτου γενόμενον ϰόρον. Plotin joue ici sur le double sens de ϰόρον, enfant et plénitude. Voy. ci-dessus liv. V, § 8, 9, p. 118-121.
  2. Dans cette théorie du Bien, Plotin ne doit pas tout à Platon. Il s’est inspiré aussi d’Aristote, comme M. Steinhart l’explique dans les lignes suivantes : « Omnium notionum supremam esse, unde omnes aliæ nexæ sint ac suspensæ, certissime viderat Plato ut Socraticus : nam hac demum notione inventa atque illustrata Socratem dicas ex sublimibus illis et inanibus regionibus, in quas evolare cœperat, ad hominis sedem ac societatem revocasse. Neque diversum a bono Socraticorum Aristotelis istud οὖ ἕνεϰα, quod, quomodo in singulis rebus appareat, universi illius libri ostendunt. Hanc Platonis notionem ita recepit Plotinus, ut Bonum supra omnia, quæ essent, elatum, a summo Deo non esse diversum affirmaret, et æternam illam atque immotam Unitatem, unde et Mens et Anima perpetuo habeant originem, qua omnia inter se colligentur et concilientur. Centrum hoc quasi fuit philosophiæ : plotinianœ, et quæ de Deo dicit, eorum plurima ita sunt ex adytis Mentis divina luce collustratœ repetita, ut etiam nunc exemplo nobis sint, quomodo ad Deum cogitandum et cognoscendum animum rite purgare possimus et præparare. » (Meletemata plotiniana, p. 12.)