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LIVRE TROISIÈME.


condition[1]. Si l’on considère enfin la nature des âmes en général, on trouve que Platon en assigne les différences en disant qu’il est des âmes qui occupent le second ou le troisième rang[2]. Or, nous avons dit que toutes les âmes sont toutes choses [en puissance][3], que chacune d’elles est caractérisée par la faculté qu’elle exerce principalement, c’est-à-dire que celle-ci s’unit en acte au monde intelligible, celle-là en pensée, cette autre en désir[4]. Les âmes, contemplant ainsi divers objets, sont et deviennent ce qu’elles contemplent. La plénitude et la perfection appartiennent aussi aux âmes, mais elles ne sont pas toutes identiques sous ce rapport, parce que la variété est la loi qui préside à leur coordination. En effet, la Raison [génératrice] universelle est une d’un côté, multiple et variée de l’autre, comme un être qui est animé et qui a des formes multiples[5]. S’il en est ainsi, il y a coordination (συνταξίς)[6] ; les êtres ne sont pas complètement séparés les uns des autres, et il n’y a pas de place pour le hasard dans les êtres réels ni même dans les corps ; par conséquent le nombre des êtres est déterminé. Il faut en effet que les êtres soient stables, que les intelligibles demeurent identiques, et que chacun d’eux soit numériquement un ; c’est à cette condition qu’il sera individu (τὸ τόδε)[7]. Quant aux corps, qui

  1. Voy. Platon, République, liv. X, p. 619 ; t. X, p. 287 de la trad. de M. Cousin.
  2. Voy. ci-dessus § 7, p.277.
  3. Voy. ci-après le livre VI, § 3.
  4. Voy. ci-dessus § 6, p. 276.
  5. Voy. ci-dessus Enn. III, liv. II, § 16, p. 61.
  6. « Quum omnia Deus fecerit, quare non æqualia fecit ? Quia non essent omnia, si essent æqualia : non enim essent multa rerum genera, quibus conficitur universitas, primas et secundas, et deinceps us que ad ultimas, ordinatas habens creaturas ; et hoc est quod dicitur omnia. » (S. Augustin, De diversis quœstionibus, § 41.)
  7. On sait que cette formule, qu’on a traduite au moyen âge par le terme barbare de hacceitas, exprime l’individualité dans le système d’Aristote. Il résulte de là que, pour Plotin, l’individualité de l’âme consiste dans son unité et son identité. Cette opinion est analogue à celle que Fénelon a exprimée sur le même sujet : « Que si