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QUATRIÈME ENNÉADE.


par leur nature sont dans un écoulement perpétuel parce que leur forme est pour eux une chose adventice, ils ne possèdent jamais l’existence formelle (τὸ εἶναι ϰατ’ εἶδος) que par leur participation aux êtres véritables[1]. Pour ces derniers au contraire, qui ne sont pas composés, l’existence consiste à être chacun numériquement un, à posséder cette unité qui est dès l’origine, qui ne devient pas ce qu’elle n’était pas, qui ne cessera pas d’être ce qu’elle est. En effet, s’il doit y avoir un principe qui les produise, il ne les tirera pas de la matière. Il faudra donc qu’il leur ajoute quelque chose de sa propre essence. Mais, si les intelligibles ont ainsi tantôt plus, tantôt moins de perfection, ils changeront (ce qui est en contradiction avec leur essence, qui est de demeurer identiques) ; pourquoi d’ailleurs deviendraient-ils tels maintenant et n’auraient-ils pas toujours été tels ? Enfin, s’ils sont tantôt plus, tantôt moins parfaits, s’ils deviennent, ils ne sont pas éternels. Or il est admis que l’âme est éternelle [en sa qualité d’essence intelligible].

Mais [demandera-t-on encore], peut-on appeler infini ce

    l’on veut de bonne foi considérer l’existence actuelle sans abstraction, il est vrai de dire qu’elle est précisément ce qui distingue une chose d’une autre. L’existence actuelle de mon voisin n’est point la mienne ; la mienne n’est point celle de mon voisin ; l’une est entièrement indépendante de l’autre : il peut cesser d’être, sans que mon existence soit en péril ; la sienne ne souffrira rien quand je serai anéanti. Cette indépendance réciproque montre l’entière distinction, et c’est la véritable différence individuelle. Cette existence actuelle et indépendante de toute autre existence produite est l’être singulier ou l’individu. Cet être singulier est vrai et intelligible selon la mesure dont il existe par communication. » (De l’Existence de Dieu, II, chap. 4.)

  1. « Omne bonum a Deo ; omne speciosum, bonum, in quantum speciosum est ; et omne quod species continet speciosum est. Omne autem corpus, ut corpus sit, specie aliqua continetur. Omne igitur corpus a Deo. » (S. Augustin, De diversis quœstionibus, § 10.)