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LIVRE QUATRIÈME.


XII. Peut-être dira-t-on que cela est vrai de la Nature, mais que, puisqu’il y a dans l’Âme de l’univers de la sagesse, il doit y avoir aussi en elle raisonnement et mémoire.

Cette objection ne peut être soulevée que par des hommes qui font consister la sagesse dans ce qui en est l’absence, et qui prennent pour la sagesse même la recherche de la sagesse. Raisonner, en effet, qu’est-ce autre chose que chercher la sagesse, la raison véritable, l’intelligence de l’être réel ? Celui qui raisonne ressemble à un homme qui touche de la lyre pour s’exercer, pour acquérir l’habitude d’en jouer, et en général à celui qui apprend pour savoir. Il cherche en effet à acquérir la science, dont la possession fait le sage. La sagesse consiste donc dans un état stable. C’est ce qu’on voit par la conduite même de celui qui raisonne : dès qu’il a trouvé ce qu’il cherchait, il cesse de raisonner et se repose dans la possession de la sagesse.

Donc, si la puissance qui gouverne le monde nous paraît ressembler à ceux qui apprennent, il faut lui attribuer le raisonnement, la réflexion, la mémoire, pour qu’elle compare le passé avec le présent ou le futur. Mais si, au contraire, elle connaît de manière à n’avoir plus rien à apprendre et à rester dans un état parfaitement stable, évidemment elle possède par elle-même la sagesse. Si elle connaît les choses futures (privilége qu’on ne saurait lui contester sans absurdité), pourquoi ne saurait-elle pas aussi comment elles doivent avoir lieu ? Si elle le sait, qu’a-t-elle besoin de raisonner et de comparer le passé avec le présent ? Ensuite, cette connaissance de l’avenir ne ressemblera pas chez elle à la prévision des devins, mais à la certitude qu’ont d’une chose ceux qui la produisent. Cette certitude n’admet aucune hésitation, aucune ambiguïté ; elle est absolue ; une fois qu’elle a obtenu l’assentiment, elle reste immuable. Ainsi, l’Âme du