Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
QUATRIÈME ENNÉADE.


pas lui qui est dissous, c’est l’union de ses parties. Isolée, l’âme est impassible, indivisible. et par son état échappe à toute affection. Mais, quand deux choses s’unissent, l’unité qu’elles forment étant factice, il arrive souvent qu’elle est attaquée : de la résulte la douleur. Je dis deux choses, et par là je n’entends pas deux corps, parce que deux corps ont la même nature ; je considère le cas où une essence veut s’allier à une autre essence d’un genre différent, où l’essence inférieure reçoit quelque chose de l’essence supérieure, mais, ne pouvant la recevoir tout entière, en reçoit seulement un vestige. Alors le tout comprend deux éléments et forme cependant une unité ; en devenant une chose intermédiaire entre ce qu’il était et ce qu’il n’a pu devenir, il se crée ainsi un grand embarras pour s’être formé une alliance malheureuse, peu solide, toujours tirée en sens divers par des influences contraires. Il est ainsi tantôt élevé, tantôt abaissé : quand il est abaissé, il manifeste sa souffrance ; quand il est élevé, il aspire au commerce de l’âme avec le corps.

XIX. Voilà pourquoi il y a du plaisir et de la douleur. Voilà pourquoi l’on dit que la douleur est une perception de la dissolution, quand le corps est menacé de perdre l’image de l’âme [d’être désorganisé en perdant l’âme irraisonnable], et que le plaisir est une perception produite dans l’animal quand l’image de l’âme reprend son empire sur le corps. C’est le corps qui éprouve la passion ; c’est la puissance sensitive de l’âme qui perçoit la passion par ses relations avec les organes ; c’est à elle que viennent aboutir toutes les sensations. Le corps seul est lésé et pâtit : par exemple, quand un membre est coupé, c’est la masse du corps qui est coupée ; mais ce n’est pas simplement comme masse, c’est comme masse vivante qu’elle éprouve la douleur. Il en est de même de la brûlure : l’âme la sent, parce que la puissance sensitive par ses relations avec les organes en reçoit en quelque sorte le contre-coup. Elle sent tout en-