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QUATRIÈME ENNÉADE.


Considérons quelles conséquences nous devons tirer de là pour la Terre, les astres, et surtout pour le ciel et le monde entier. D’après ce qui précède, les parties du monde qui pâtissent peuvent dans leurs relations avec d’autres parties posséder la sensation. Mais le monde entier, qui est tout à fait impassible dans ses relations avec lui-même, est-il capable de sentir ? Si, pour sentir, il faut qu’il y ait d’un côté l’organe et de l’autre l’objet sensible, le monde, qui comprend tout, ne peut avoir ni organe pour percevoir, ni objet extérieur à percevoir. Il faut donc lui accorder une espèce de sens intime (συναίσθησις), semblable au sens intime que nous avons nous-mêmes, et lui refuser la perception des autres objets. Car nous-mêmes, quand, en dehors de notre état habituel, nous percevons quelque chose dans notre corps, nous le percevons comme venu du dehors ; or, comme nous percevons non-seulement les objets extérieurs, mais encore une partie de notre corps par une autre partie du corps lui-même, qui empêche le monde de percevoir par la sphère des étoiles fixes la sphère des planètes, et, par cette dernière, la Terre avec les objets qui s’y trouvent ? Si ces êtres [les étoiles et les planètes] n’éprouvent pas les passions éprouvées par les autres êtres, qui empêche qu’ils n’aient aussi des sens différents ? La sphère des planètes ne peut-elle, non-seulement posséder la vue par elle-même, mais encore être l’œil destiné à transmettre à l’Âme universelle ce qu’il voit ? En supposant qu’elle n’éprouvât pas les autres passions, pourquoi ne verrait-elle pas comme voit un œil, puisqu’elle est lumineuse et animée ?

    dans les choses une multitude de différences, qui leur fournissent la connaissance et des choses que leur intelligence peut penser et de celles qu’ils doivent faire. » (Aristote, De la Sensation et des choses sensibles, I, p. 23 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire.) Voy. aussi Bossuet, De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. III, § 8.