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LIVRE QUATRIÈME.


n’en sont pas moins proches, comme, dans chaque animal, les cornes, les ongles, les doigts, les organes éloignés les uns des autres, ressentent, malgré l’intervalle qui les sépare, l’affection éprouvée par l’un d’eux[1]. En effet, dès que des parties sont semblables, lors même qu’elles se trouvent séparées par un intervalle au lieu d’être placées les unes à côté des autres, elles sympathisent en vertu de leur similitude, et l’action de celle qui est éloignée se fait sentir à toutes les autres. Or, dans cet univers, qui est un animal et qui forme un être un, il n’est point de chose assez éloignée par la place qu’elle occupe pour n’être pas proche à cause de la nature de cet être que son unité rend sympathique à lui-même. Quand l’être qui pâtit est semblable à celui qui agit, il éprouve une passion conforme à sa nature ; s’il en est différent, il éprouve une passion étrangère à sa nature et pénible. Il n’est pas étonnant que, quoique l’univers soit un, une de ses parties puisse exercer sur une autre une action nuisible, puisqu’il nous arrive souvent à nous-mêmes qu’une de nos parties en blesse une autre par son action, que la bile, par exemple, mettant la colère en mouvement, écrase et déchire par suite quelque autre partie du corps[2]. Or, on retrouve dans l’univers quelque chose d’ana-

  1. Il y a dans le texte : οὐδέν ἔπαθε τὸ οὐϰ ἐγγύς. Il nous semble qu’il faut lire, comme nous l’avons fait : οὐδέν ἧττον ἔπαθε ϰ. τ. λ., ainsi qu’on lit quatre lignes plus haut : πάσχει δέ οὐδέν ἧττον ϰ. τ. λ.. Ficin traduit : « ubi patiente aliquo nihil patitur, quod nullo sit modo propinquum. » Ce sens nous paraît absolument contraire à la liaison des idées, qui est ici parfaitement claire.
  2. Ces idées ont été résumées ainsi dans un ouvrage attribué à Jamblique : « L’univers exerce une action sur ses parties, action sympathique par la similitude des puissances, et variée par les propriétés de l’être qui agit et de celui qui pâtit. Si, par suite de la nature des corps, il arrive aux parties des choses mauvaises et pernicieuses, c’est que certaines choses qui sont bonnes et salutaires pour l’univers font nécessairement périr les parties, soit parce qu’elles ne peuvent pas supporter l’action de l’univers,