Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
418
QUATRIÈME ENNÉADE.


est interposé [entre l’air mis d’abord en mouvement et l’oreille] remplit un autre rôle. L’air paraît être ici la condition souveraine de la production du son : car, dans l’origine, le choc de deux corps ne produirait pas de son, si l’air, comprimé et frappé par leur rencontre rapide, ne transmettait de proche en proche le mouvement jusqu’à l’oreille[1]. Mais, si la production du son dépend des impulsions imprimées à l’air, il reste à expliquer les différences des voix et des sons : car, autre est le son que rend l’airain quand il est frappé par l’airain, autre le son qu’il rend quand il est frappé par un autre métal, etc. Cependant l’air est un ainsi que l’impulsion qu’il reçoit [pour produire le son], et les différences que nous considérons ne consistent pas simplement en plus et en moins. Si l’on rapporte à l’air la production de la voix et du son[2], parce que l’impulsion imprimée à l’air est sonore, nous ferons observer que l’air n’est pas la

  1. Plotin discute ici la théorie d’Aristote : « Le son en acte se produit toujours par un corps en rapport avec quelque autre corps, et dans quelque milieu ; c’est une percussion qui le cause… On entend le son dans l’air, on l’entend aussi dans l’eau, mais moins distinctement. L’air n’est pas la condition souveraine du son, non plus que l’eau ; mais il faut que ce soient des corps solides qui se choquent entre eux, et encore qui choquent l’air. Ce choc contre l’air a lieu lorsque l’air frappé demeure et ne se disperse pas. Ainsi, c’est quand on le frappe vite et fort qu’il rend un son : car il faut accélérer le mouvement du corps qui déchire la tranche de l’air, comme si l’on frappait un tas de poussière ou une nuée de sable emportée rapidement… Un corps sonore n’est pas autre chose que ce qui meut l’air, un sans discontinuité jusqu’à l’ouïe ; et l’ouïe est congénère de l’air. C’est parce que le son est dans l’air, qu’après avoir mû le dehors il meut aussi le dedans. » (De l’Âme, II, 8 ; p. 217, 220 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire )
  2. Voici ce qu’Aristote dit sur la différence de la voix et du son : « La voix est un son produit par un être animé… Le coup que l’air aspiré par l’âme qui est dans ces parties donne contre ce qu’on appelle l’artère, c’est la voix. Mais tout son produit par l’animal n’est pas voix ; par exemple, on peut produire aussi un son avec la voix comme le font ceux qui toussent. » (Ibid., p. 223, 225.)