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QUATRIÈME ENNÉADE.


1. De la Sensation.

En général, quand nous sentons par la vue, nous apercevons l’objet visible et nous l’atteignons par la vue dans l’endroit où il est placé devant nos yeux, comme si la perception s’opérait dans cet endroit même et que l’âme vît hors d’elle[1]. Ce fait a lieu, je pense, sans qu’aucune image se soit produite ni se produise hors de l’âme, sans que celle-ci reçoive aucune empreinte semblable à celle qu’un cachet donne à la cire. En effet, l’âme n’aurait pas besoin de regarder hors d’elle si elle possédait déjà en elle-même l’image de l’objet visible, si elle voyait par cela seul qu’elle possède l’image (τύπος). On calcule à quel intervalle est placé l’objet, à quelle distance il est aperçu : c’est que l’âme n’a pas en elle-même l’image de l’objet ; sinon, comme cet objet ne serait pas éloigné d’elle, l’âme ne le verrait pas placé à une grande distance. De plus, elle ne pourrait par l’image qu’elle recevrait juger de la grandeur de l’objet. déterminer même s’il a une grandeur : que cet objet soit le ciel, par exemple ; évidemment. l’image que l’âme en aurait ne saurait être aussi grande[2]. Enfin, et c’est la plus forte objection qu’on puisse faire à cette doctrine, si nous percevions seulement les images des objets que nous voyons, au lieu de voir ces objets mêmes. nous ne verrions que leurs traces et leurs ombres (ἰνδάλματα, σϰιαί). Alors, les réalités seraient autres que les choses que nous voyons. Enfin. Si

    qu’il n’est pas possible de voir sans lumière. » (De l’Âme, III, 3.) On trouve dans saint Augustin une pensée qui se rapproche plus de celle de Plotin : « Potissimum testimonio utamur oculorum. Is enim sensus corporis maxime excellit, et est visioni mentis pro sui generis diversitate vicinior. » (De Trinitate, XI, 1.)

  1. Voy. le passage de saint Augustin cité ci-dessus, p. 416. note 1.
  2. Voy. le passage de saint Augustin cité ci-après, p. 447, note 3.