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LIVRE SEPTIÈME.


Si l’on prend un corps simple, on ne prétendra pas sans doute que sa matière possède la vie par elle-même (car la matière n’a pas de qualité[1]) ; c’est donc sa forme qui lui donne la vie. Si la forme est une essence, l’âme ne sera pas à la fois la matière et la forme ; elle sera seulement ou la matière ou la forme. Elle ne sera donc pas le corps, puisque le corps n’est pas constitué par la matière seule, comme nous le démontrerons encore par l’analyse [si l’on nie cette vérité].

[4o  L’âme n’est pas une simple manière d’être de la matière, parce que la matière ne saurait se donner elle-même une forme.]

Dira-t-on que cette forme n’est pas une essence, mais une simple manière d’être de la matière (πάθημα τῆς ὕλης[2]) ? D’où sont venues alors à la matière cette manière d’être et la vie qui l’anime ? Ce n’est certes pas la matière qui se donne elle-même une forme et une âme. Il faut donc que ce qui donne la vie à la matière ou à un corps quelconque soit un principe étranger et supérieur à la nature corporelle.

[5o  Aucun corps ne subsisterait sans la puissance de l’Âme universelle.]

D’ailleurs, aucun corps ne subsisterait sans la puissance de l’Âme [universelle][3]. En effet, tout corps est dans un écoulement et un mouvement perpétuel[4], et le monde périrait bientôt s’il ne contenait que des corps, donnât-on à l’un d’eux le nom d’Âme : car cette Âme, étant composée de la même matière que les autres corps, éprouverait le même sort ; qu’eux ; ou plutôt, il n’y aurait pas même de corps,

  1. Voy. t. I, p. 206.
  2. Voy. ci-après, § 8, p. 460.
  3. Cette démonstration est empruntée à Ammonius et à Numénius. Voy. t. I, p. XCIV, C.
  4. « Héraclite dit que tout passe, que rien ne subsiste, et, comparant au cours d’un fleuve les choses de ce monde : Jamais, dit-il, vous ne pourrez entrer deux fois dans le même fleuve. » (Platon, Cratyle ; t. XI, p. 54 de la trad. de M. Cousin.)