Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/496

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
QUATRIÈME ENNÉADE.


le même principe (ταὐτὸν) qui embrasse tout à la fois. Sans doute, une impression sensible nous vient par les yeux, une autre par les oreilles ; mais il faut qu’elles aboutissent toutes deux à un principe un (ἔν τι). Comment, en effet, prononcer sur la différence des impressions sensibles, si elles ne convergent toutes ensemble vers le même principe ? Ce principe est comme un centre, et les sensations particulières comme des lignes qui de la circonférence se dirigeraient vers ce centre. Ce principe central est essentiellement un. S’il était divisible et que les impressions sensibles se rendissent à deux points éloignés l’un de l’autre comme le sont les extrémités d’une même ligne, ou elles concourraient encore vers un seul et même point, vers le milieu par exemple, ou bien une partie sentirait une chose, une autre partie une autre chose ; ce serait absolument comme si, placés tous deux en présence d’un même objet, d’un visage, par exemple, je sentais telle chose et que vous sentissiez telle autre[1]. Il faut donc

  1. Cette démonstration est empruntée à Aristote : « Chacun des sens s’applique à son sujet sensible, et chaque sens est dans l’organe en tant que cet organe est spécial… Mais puisque nous jugeons le blanc et le doux, et chacune des choses sensibles, par rapport à toutes les autres, comment sentons-nous aussi que les choses diffèrent ? Nécessairement, c’est par un sens, puisque ce sont des choses sensibles. Cela nous fait bien voir encore que la chair n’est pas l’organe extrême de la sensation : car alors il faudrait nécessairement que ce qui juge jugeait en touchant l’objet lui-même. Mais des sens séparés ne peuvent pas davantage juger que le doux est autre que le blanc. Loin de là, il faut que ces deux qualités apparaissent en toute évidence à un seul et unique sens. Ce serait absolument comme lorsque je sens telle chose et que vous sentez telle autre ; il est alors tout à fait clair que ces choses sont différentes l’une de l’autre. Mais il faut ici que ce soit un être unique qui dise qu’il y a différence, et qui dise que le doux est différent du blanc. Et c’est parce que le même être le dit que, de même qu’il le dit, il le pense et le sent. » (De l’Âme, III, 2 ; p. 269 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire.) Sur l’unité du principe sentant, Voy. encore ci-dessus, p. 269-270.