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QUATRIÈME ENNÉADE.


corps ne produisent ces effets que par des puissances incorporelles, ensuite, que ce ne sont pas là les puissances que nous attribuons à l’âme, mais la pensée, la sensation, le raisonnement, le désir, le pouvoir d’agir avec convenance et sagesse, toutes choses qui ne peuvent appartenir à une substance corporelle. Il en résulte que les hommes dont nous parlons attribuent aux corps toutes les facultés des essences incorporelles et ne laissent rien à celles-ci.

Que les corps ne produisent leur action que par des facultés incorporelles, en voici la preuve. La quantité et la qualité sont deux choses différentes : tout corps a une quantité, mais n’a pas toujours une qualité[1], comme c’est le cas de la matière[2]. Si vous l’admettez, vous êtes forcés d’admettre aussi que la qualité, étant une chose différente de la quantité, est par conséquent différente du corps. Comment, n’étant pas une quantité, la qualité pourrait-elle être un corps, puisque tout corps a une quantité ? D’ailleurs, comme nous l’avons déjà dit plus haut [§ 5], tout corps, toute masse s’altère par la division ; cependant. quand on coupe un corps en morceaux, chaque partie conserve la qualité tout entière sans qu’elle subisse d’altération : chaque molécule du miel, par exemple, possède à un aussi haut degré la qualité de la douceur que toutes les molécules prises ensemble ; de là résulte que la douceur n’est pas corporelle, et il en est de même des autres qualités.

    M. Ravaisson, le principe actif, la force ne saurait subsister sans la matière ; il lui faut un sujet où elle réside, dans lequel elle agisse et se meuve. » (Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 138.) Quant au mot ἵδρυσθαι, on l’a déjà vu ci-dessus, p. 441.

  1. Il y a dans le texte ποσόν : il faut évidemment lire ποίον.
  2. Selon Plotin, la matière n’a ni qualité, ni quantité (t. I, p. 205-208). Mais, pour mieux combattre les Stoïciens, Plotin se place dans l’hypothèse qui sert de base à leur système. Or, selon ces philosophes, la matière est un corps sans qualité, ἄποιον σῶμα, mais possédant la grandeur, τὸ μέγεθος. Voy. t. I, p. 195-196.