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LIVRE SEPTIÈME.


Ensuite, si les puissances actives étaient corporelles, elles devraient avoir une masse matérielle proportionnée à leur force ou à leur faiblesse : or, il y a de grosses masses qui ont peu de force, de petites masses qui en ont beaucoup[1] ; cela montre assez que la puissance ne dépend pas de l’étendue, qu’elle doit être attribuée à une substance sans étendue. Enfin, vous dites que la matière est la même chose que le corps, qu’elle ne produit les différents êtres qu’en recevant différentes qualités[2] ; comment ne voyez-vous pas que les qualités ajoutées ainsi à la matière sont des raisons premières et immatérielles[3] ! N’objectez pas que quand l’esprit et le sang les abandonnent, les animaux cessent de vivre : car, si ces choses sont nécessaires à la vie, il y en a beaucoup d’autres qui le sont également, l’âme fût-elle présente[4]. D’ailleurs, ni l’esprit, ni le sang ne sont répandus dans toutes les parties du corps.

  1. On trouve la même idée dans saint Augustin : « Ut enim membrorum magnitude ideo nihil affert argumenti cur animam adjuvet, quod multi exilioribus brevioribusque membris prudentiores inveniuntur quibusdam magna mole corporis præditis, etc. » (De Quantitate animœ, 17.)
  2. Selon les Stoïciens, auxquels Plotin s’adresse ici, il y a dans tout être deux principes, l’un passif, la matière, qui forme la substance, l’autre actif, la qualité, qui fait de la matière telle ou telle chose déterminée (t. I. p. CXXX, note 2). De là vient qu’ils disaient que tous les êtres, Dieu même, ne sont que la matière modifiée, ὕλη πως ἔχουσα (t. I, p. 195-196).
  3. Pour les Stoïciens la qualité est un corps, comme la matière elle-même.
  4. La même démonstration se trouve dans un passage de Nemésius qui peut servir de commentaire à celui-ci : « Quant à ceux qui pensent que l’âme est l’esprit ou le sang, il ne faut pas leur répondre comme certaines personnes qui pensent avoir trouvé une excellente objection, en disant : Donc, lorsqu’une portion du sang s’est écoulée, une portion de l’âme s’est écoulée aussi. C’est là un argument futile : car, pour les substances composées de parties semblables, la portion qui reste est comme le tout ; l’eau, en grande ou en petite quantité, est toujours de l’eau. De même, le sang qui reste, quelle que soit sa quantité, constitue encore