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TRAITÉ DE L’ÂME.


Modératus attribue à l’Âme [du monde] cette espèce d’harmonie qui établit l’accord et l’amitié entre les contraires[1] ; Timée [dans Platon[2]], celle qui, dans les essences, les vies et leur génération, sert de moyen terme et de lien. Plotin, Porphyre et Amélius ont enseigné que l’harmonie consiste dans les raisons que contient l’essence de l’Âme (ἐν λόγοις τοῖς ϰατ’ οὐσίαν προῦπάρχουσιν (en logois tois kat’ ousian prouparchousin))[3]. Enfin un grand nombre de Platoniciens et de Pythagoriciens sont d’avis que l’harmonie est unie au monde et inséparable du ciel[4].

4o Passons maintenant à la nature incorporelle, et examinons avec ordre toutes les opinions qui ont été émises à ce sujet. Il y a des philosophes qui croient que l’essence de l’Âme universelle a toutes ses parties semblables à elle-même, qu’elle est une et identique, en sorte qu’elle est tout entière dans chacune de ses parties[5]. Ils placent dans l’âme particulière elle-même le monde intelligible,

  1. Voy. Porphyre, Vie de Pythagore, § 49.
  2. Voy. Platon, Timée, p. 35. Voici en abrégé comment, au rapport de Proclus (Comm. sur le Timée, p. 206), Amélius et Porphyre expliquaient ce passage de Platon : « Selon Amélius, l’Âme contient tout ce qui est dans le monde : par la monade, elle embrasse tous les dieux qui habitent le monde ; par la dyade et la triade, les démons ; par la tétrade et l’ennéade, elle est la providence du genre humain ; enfin, par l’octade et l’icosieptade [les nombres 8 et 27], elle étend son action dans le monde entier et jusqu’aux êtres du dernier rang : car elle administre chaque espèce d’êtres par les puissances convenables… Selon Porphyre, l’Âme contient en elle-même des raisons harmoniques, en ce sens qu’elle est une multiplicité de puissances unies par l’harmonie ; en même temps, elle remplit d’harmonie l’univers, parce qu’elle y administre toutes choses par les raisons harmoniques qu’elle possède en elle-même. » Macrobe attribue sur ce point la même doctrine à Porphyre : « Hanc Platonicorum persuasion Porphyrius libris suis inseruit, quibus Timœi obscuritatibus nonnihil lucis infudit ; aitque eos credere, ad imaginem contextionis Animæ, esse in corpore mundi intervalla quæ epitritis, hemioliis, et epogdois hemitoniisque complentur et limmate ; et ita provenire concentum, cujus ratio, in substantiva Animæ contexta, mundano quoqua corpori, quod ab Anima movetur, inserta est. » (In Somnium Scipionis, II, 3.)
  3. Selon Plotin, il y a dans l’univers une harmonie unique, tout y est coordonné, tout y conspire à un but unique, parce que l’univers est administré par l’Âme dont la Raison contient les raisons génératrices de tous les êtres vivants (Enn. III, liv. II, § 16). Pour Amélius et Porphyre, Voy. la note précédente.
  4. Voy. le fragment de Philolaüs cité par Stobée, Eclogœ phys., XXII, § 7, p. 454.
  5. Jamblique veut dire que, selon cette doctrine, qui est celle de Plotin, les âmes particulières ont la même essence que l’Âme universelle, en ce sens qu’elles possèdent les mêmes facultés. Voy. pour Plotin, Enn. IV, liv. III, § 4 et 5 ; liv. IX, § 5 ; et pour Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXXIX, tr. fr., t. I, p. LXXX.