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JAMBLIQUE.

LETTRE DE JAMBLIQUE À MACÉDONIUS SUR LE DESTIN[1].

I. Tous les êtres doivent à l’Un leur existence : car l’Être premier dérive immédiatement de l’Un. À plus forte raison, les causes universelles doivent à l’Un leur puissance efficace, sont contenues dans un seul enchaînement et se rapportent au Principe qui est antérieur à la multitude. De cette manière, comme les causes qui constituent la Nature sont multiples, qu’elles appartiennent à des genres différents et dépendent de plusieurs principes, la multitude dépend d’une Cause unique et universelle, toutes choses sont enchaînées ensemble par un lien unique, et la liaison des causes multiples remonte à la puissance unique de la Cause la plus compréhensive. Cet enchaînement unique est rendu confus par la multiplicité des êtres ; il ne produit pas une union qui soit distincte de la liaison des choses et il ne pénètre pas dans les individus ; mais, par la connexion unique des causes[2], connexion qui constitue l’ordre suprême, cet enchaînement unique produit et lie toutes choses en lui-même et les ramène uniformément à lui-même. Il faut donc définir le Destin l’ordre unique qui contient tous les ordres à la fois[3].

II. L’essence de l’âme est par elle-même immatérielle et incorporelle, non-engendrée et impérissable ; elle possède par elle-même l’être et la vie, elle se meut par elle-même, elle est le principe de la nature [végétative] et de tous les mouvements du corps. Tant que l’âme reste ce qu’elle est par son essence, elle a en elle-même une vie libre et indépendante. Lorsqu’elle se donne aux choses engendrées, et qu’elle se subordonne au mouvement de l’univers, elle est soumise au Destin et devient l’esclave des nécessités physiques. Lorsqu’elle s’applique à l’acte intellectuel, qui est libre et indépendant, elle fait volontairement ce qui est de son ressort, elle participe réellement de Dieu, du bien et de l’intelligible.

III. Il faut nous appliquer à mener une vie intellectuelle et divine : car c’est elle seule qui rend notre âme libre, nous délivre des liens de la nécessité, nous fait vivre non en hommes, mais en dieux, et nous inspire le désir des biens qui sont vraiment divins.

  1. Stobée, Eclogœ physicœ, VI, § 17, p, 184 ; Eclogœ ethicœ, VIII, § 41-45, p. 396-406, éd. Heeren.
  2. Nous lisons αὐτῶν τῶν αἰτιῶν (autôn tôn aitiôn).
  3. Il faut rapprocher de cette définition du Destin celle qui se trouve dans le fragment de Jamblique cité ci-dessus, p. 16, note 1.